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de produits, a fait délaisser un peu la route de Marseille à Calais qui est aujourd’hui en concurrence avec celle de Brindisi à Anvers et à Hambourg ; et on étudie en ce moment une autre route qui passerait par Salonique, Pristina, la Serbie, les chemins de fer austro-hongrois et allemands, et semble devoir offrir, au commerce et aux voyageurs, une économie de temps assez sensible. Dans un avenir prochain, le réseau des chemins de fer du continent, qui traverse la France, l’Allemagne, l’Autriche et la Russie, s’étendra bien certainement jusqu’à l’Extrême-Orient et viendra atteindre la Chine. Il pourra donc sembler un peu anormal de quitter la voie ferrée après un parcours de 10 000 kilomètres pour transborder et franchir les 30 kilomètres qui séparent l’Europe de la côte anglaise, et on pourra toujours désirer d’être affranchi de cette sujétion. La communication directe et le contact immédiat entre le continent et la grande île britannique paraissent donc s’imposer un jour ou l’autre d’une manière impérieuse, absolue.

En ce qui concerne la France, la question présente une bien autre gravité. Notre pays subit en effet depuis une trentaine d’années, au point de vue du transit, une crise économique dont les résultats s’aggravent tous les jours. Nous transportions autrefois d’un bout à l’autre de notre territoire une grande partie des productions de l’ancien monde. Hier encore ces productions, après avoir traversé le canal de Suez, suivaient nos lignes de chemins de fer, de Marseille aux ports de la Manche ; et la France était le point de passage de l’Orient en Angleterre. Ce courant a été en partie détourné. La malle des Indes ne passe plus par la France. Le souterrain du Saint-Gothard a ouvert entre l’Italie et Anvers une route directe et rapide vers laquelle tendent à converger les canaux et les rivières canalisées de l’Allemagne et du centre de l’Europe, l’Elbe, l’Oder, le Rhin, le Danube ; et on travaille activement à raccorder Constantinople à Hambourg. On peut craindre aussi que le percement du Simplon ne produise de nouveaux détournemens qui nous seront très préjudiciables.

Sans doute la guerre faite ainsi à notre commerce a rencontré chez nous une certaine résistance, et notre attention s’est portée vers nos ports du Nord que nous avons transformés pour les mettre en état de lutter contre nos voisins. Mais il ne suffit pas de posséder trois ou quatre ports largement aménagés et installés, et munis de tous les perfectionnemens de l’outillage