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mais constituent en outre un plateau légèrement ondulé, uni, résistant, et peuvent très bien servir de base de fondation pour les supports d’un grand ouvrage[1].

Un premier projet de pont métallique fut donc présenté, en 1878, à l’Académie des sciences par l’ingénieur français Yérand. de Sainte-Anne. Une société anglaise, the International Railway Company, se mit immédiatement à l’œuvre, recueillit en France les adhésions des Chambres de commerce, des corps collectifs, des villes manufacturières ; et la Chambre des députés, dans sa séance du 25 juillet 1882, en recommanda l’étude au ministre des Travaux publics. Malheureusement, l’art des grandes constructions métalliques n’était pas encore ce qu’il est devenu depuis. Les grands ouvrages de cette nature étaient de très rares exceptions ; et les ingénieurs ne pouvaient avoir la pratique courante et la hardiesse que leur ont données l’usage de l’acier fondu et doux qu’ils emploient couramment aujourd’hui, qui présente des conditions de résistance bien supérieures à celles de la fonte et du fer et permet de franchir couramment et d’une seule volée des espaces de plusieurs centaines de mètres. D’autre part, les travaux hydrauliques, les fondations à l’air comprimé, les procédés de fonçage de toute nature n’avaient pas encore atteint la perfection et la sûreté qu’ils doivent à l’emploi de l’outillage moderne et étaient encore d’une application coûteuse, difficile, incertaine.

Aujourd’hui, au point de vue technique de la construction, ce que l’on croyait alors hasardeux et que d’excellens esprits regardaient comme une folie, paraît réalisable et possible ; mais il y a malheureusement encore à cette solution une objection assez sérieuse, bien qu’il soit permis d’espérer que les progrès de l’art moderne permettront d’en diminuer la valeur et peut-être même d’en triompher un jour complètement. Le pont projeté sur la Manche, en 1870, ne devait pas, en effet, avoir moins de 340 piles et des arches d’une centaine de mètres seulement d’ouverture. Or, les marines de tous les pays étaient unanimes pour déclarer qu’elles ne pouvaient accepter une pareille sujétion ; car, par les gros temps et les brouillards, les milliers de

  1. Cf. de Lapparent. Communications entre la France et L’Angleterre. Rapport sur la demande en concession de MM. Michel Chevalier et consorts, 13 juillet 1874.
    Renaud, Rapport sur la reconnaissance hydrographique et géologique du Pas de Calais, faite en juillet et en août 1889, en vue du projet d’établissement d’un pont sur la Manche. Novembre 1890.
    Duchanoy, Rapport sur la constitution du fond du détroit. Paris, 1891.