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3 novembre. — La commission des « remises » des travaux hydrauliques a siégé aujourd’hui au Mourillon. Nous avions à examiner de vieilles membrures de bâtimens que l’on a découvertes en creusant la petite darse, des chaînes rongées par la rouille, des ancres, ou plutôt des squelettes d’ancres, des gournables tordues, quelques boulets ronds. D’où viennent tous ces-débris ? Sont-ce les restes d’un des vaisseaux de 1793, d’une victime des Anglais ? Mais les bâtimens brûlés étaient dans l’arsenal principal. J’incline à croire qu’il s’agit d’une des coques qu’en 1707, lors du siège des Austro-Sardes, on échoua vers l’embouchure du ruisseau de l’Eygoutier, pour prolonger de leurs canons la ligne de feu des anciens remparts.

C’est un beau siège que ce siège de 1707 et qui fait grand honneur à la valeur des troupes françaises autant qu’à la patriotique endurance des Toulonnais. En revanche, on glosa beaucoup à la Cour sur l’attitude de M. de Tessé qui commandait à Toulon. Ce maréchal avait négocié à Turin le mariage de la Duchesse de Bourgogne, qui lui en gardait de la reconnaissance. Fort courtisan et à longues visées, il ne voulait pas compromettre ce qu’il avait de faveur auprès de la future reine de France en poussant trop vivement la retraite du duc de Savoie, son père. Mais Louis XIV sut mauvais gré au maréchal de n’avoir pas achevé sa victoire. Il est vrai que les paysans de Provence se chargèrent d’exterminer les Impériaux, qui coupaient les arbres à fruits, les oliviers surtout, en se retirant. Ils en tuèrent des milliers, dont beaucoup de Prussiens… de Brandebourgeois, du moins, que le prince Eugène avait conduits en Provence, parmi les contingens de l’Empire. Combien de Toulonnais se sont avisés, en 1870, que les Prussiens étaient déjà venus assiéger Toulon ? Quel argument pour leurs craintes, s’ils l’avaient su !

En somme, Toulon a subi bien des épreuves : Sarrasins, Impériaux, Anglais, guerres civiles, guerres étrangères, sièges, peste, choléra, canonnades et fusillades… Est-ce pour cela que ses habitans ont un caractère défiant, renfermé, hostile aux « estrangiers, » en tout cas, très particulariste ; comme si cette ville malheureuse eût pris l’habitude de se replier sur elle-même.


5 novembre. — Petit bouquet d’articles d’un journal du cru : « À bord du Richelieu. — Malgré la recommandation