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premiers compagnons des Saadiens, se joignirent à leurs frères nouveaux venus ; si bien que l’ensemble des Oudaïa, avec ses trois fractions, le Ehl-Souss, les M’ghrafa et les Oudaïa proprement dits, fut établi dans la plaine du Sais, dans les murs de Fez-el-Djedid et dans le massif montagneux détaché du Zerhoun, entre le Sais et les Béni-Hasen.

A peine Moulay-Ismaïl fut-il mort, qu’Abid et Oudaïa, devenus les deux groupemens les plus puissans de l’Empire, s’arrogèrent l’autorité, et troublèrent le pays. Les Oudaïa se contentèrent de piller leurs voisins et de terroriser la ville de Fez ; les Abid prirent l’attitude de prétoriens, distributeurs du pouvoir, commencèrent à faire et à défaire les sultans. La prudence de Moulay-Ismaïl avait relégué au Tafilelt le plus grand nombre de ses cinquante-quatre fils ; dans cette inépuisable réserve, les Bouakhar choisirent, à tour de rôle, des princes à leur convenance, pour les élever au trône et les renvoyer ensuite aux oasis sacrées, après une éphémère souveraineté. L’un d’eux, Moulay-Abdallah, fut plus tenace que les autres ; détrôné six fois de suite, il sut toujours reconquérir le pouvoir et, quand il mourut, il était sultan. Rattaché par sa mère aux Oudaïa, il finit, en 1745, par les intéresser à sa cause en les jetant, avec les Chéraga, contre les Abid. Sidi Mohammed-ben-Abdallah, qui monta sur le trône en 1757, se sentit les coudées plus franches. Ce prince avait passé, comme khalifa à Marrakech, la dernière année de la vie de son père, et les circonstances lui permirent de se rattacher étroitement certaines tribus du Sud. Chassé de Marrakech par les Rahamna, il trouva appui chez les Abda et les Ahmar ; avec la mobilité d’esprit coutumière aux tribus marocaines, les Rahamna eux-mêmes se hâtèrent de revenir à Sidi Mohammed et contribuèrent à assurer son retour ; deux petites tribus, originaires du Souss, les Menahba et les Harbil, installées sur les versans des Djébilet, à quelques heures de Marrakech, complétèrent les forces dévouées au nouveau sultan. Dans ces conditions, Sidi Mohammed se trouvait plus fort vis-à-vis des Oudaïa et des Abid. Il put sévèrement réprimer leur insubordination d’habitude, et chaque acte répréhensible de leur part entraîna la déportation de la fraction coupable. En 1775, les Bouakhar exaspérés se révoltèrent une dernière fois. Vaincus par les Oudaïa, les Abid se virent disséminés par tout le pays. Leur puissance d’antan fut définitivement brisée. Mais on s’aperçut bien vite qu’avec eux