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règlemens octroient au président de la commission des vivres pour le transporter au bâtiment des subsistances. Mais que vois-je ?… Quel progrès ! Une baleinière électrique ! Un seul homme qui tourne un commutateur et nous voilà partis. C’est un rêve !…

A-t-on du moins opéré des réductions dans le personnel des vétérans de la direction des mouvemens du port et dans celui de la direction des constructions navales ? Il y a là sept ou huit embarcations transformées qui employaient autrefois une trentaine d’hommes… Non. Aucune réduction n’a été ni ne sera faite. C’est toujours ainsi : l’État ne gagne rien au progrès, son intérêt, toujours mollement défendu, étant en contradiction avec les intérêts privés qui savent, eux, se défendre énergiquement. Pendant ce temps-là, le bruit se répand qu’on va diminuer, le mois prochain, les effectifs des bâtimens de combat de première ligne. Je suis curieux de savoir quand on comprendra, en France, que la Marine de guerre est faite pour la guerre et que les arsenaux sont faits pour la marine.

Nous traversons la darse Vauban, que le grand ingénieur borda, quand il la fit creuser, en 1678 environ, d’ateliers et de cales de construction. Elle sert plutôt aujourd’hui aux bâtimens en réserve. En revanche, le service de l’artillerie est resté depuis deux cent vingt ans installé à l’ouest de la darse Vauban. J’ai vu des estampes coloriées du XVIIIe siècle qui représentent des personnages maniant des boulets en rheingrave, culotte courte et tricorne (cela surprend, toujours parce qu’on ne réfléchit pas que le costume militaire différait fort peu, à cette époque, du costume civil), et ces personnages se meuvent dans une cour qui rappelle tout à fait celle de la direction actuelle.

Au Sud, en face de l’ancien bagne, on agrandit l’une des deux cales sèches, ou bassins de radoub, qui firent, vers 1776, la réputation de Groignard.

La baleinière pousse toujours à l’Ouest. Nous sommes dans la darse de Castigneau, l’œuvre du milieu du XIXe siècle, la contemporaine de la marine mixte. Cette darse occupe la place d’un marais où se déversait le Las, le ruisseau torrentueux de la vallée de Dardennes aux pittoresques moulins. Vauban l’avait déjà fait détourner dans l’Ouest, du côté de Missiessy, à la grande satisfaction des religieuses du couvent dont on a fait, depuis, la boulangerie du port ; mais, quand on a voulu creuser la troisième