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de la région d’Oudjda-Tlemcen sont englobées par les Marocains sous le nom de Chéraga (Orientaux) ; les Saadiens réunirent ainsi les gens de l’Est, refoulés au Maroc par la conquête turque. De là prirent naissance les deux premières tribus makhzen.

Quand, avec la seconde moitié du XVIIe siècle, les chorfa Alaouites, ont définitivement réussi à implanter la dynastie actuelle, il se trouve que Moulay er-Rechid, marchant vers la capitale du Nord, rattache à sa cause plusieurs fractions orientales ; celles-ci viennent fournir aux Chéraga un nouvel appoint et le groupe entier est installé dans la boucle du Sebou, jusqu’au confluent de l’oued Ouargha. C’est là que les Chéraga ont prospéré ; ils y demeurent encore, la tribu makhzen la plus rapprochée de Fez. Le grand Moulay-Ismaïl, qui régna de 1672 à 1727, développa ces premiers germes du makhzen. Pour créer une institution purement marocaine, il posa, avec les Bouakhar et les Oudaïa, les fondemens solides qui ont maintenu jusqu’à ce jour l’autorité des Chorfa du Tafilelt.

Dès le début de son règne, un personnage de sa suite lui avait signalé le registre contenant les effectifs des troupes noires, formées par les Saadiens. Ainsi fut suggérée à Moulay-Ismaïl l’idée d’instituer le corps des Abid (esclaves). Par ses ordres, 14 000 nègres furent promptement réunis, et il en sortit la tribu des Bouakhar. Leur descendance servit au recrutement de la puissante armée, grâce à laquelle Moulay-Ismail parvint à tenir tout le Maroc. A sa mort, le registre des Abid comptait 150 000 hommes. Or, un marabout du Djebel ayant envoyé à Moulay-Ismaïl un précieux exemplaire du livre d’Abou Abdallah-el-Bokhari, qui fut l’auteur du recueil le plus célèbre de Hadith, le sultan fit cadeau du livre saint à ses Abid. Depuis lors, ils furent nommés Abid-el-Bokhari, ou plus simplement Bouakhar, c’est-à-dire les serviteurs du livre de Bokhari, car l’exemplaire envoyé du Djebel est devenu leur talisman ; il est encore confié à leur garde et les accompagne dans toutes leurs expéditions.

Le corps des Oudaïa dut aux femmes sa constitution et sa fortune : la mère de Moulay-Ismaïl appartenait à cette tribu et lui-même, lors de son expédition au Sous, épousa la fille d’un cheikh M’gharfi, Khénatsa-bent-Bekkar, qui devint la mère de Moulay-Abdallah. Les membres de cette tribu favorisée arrivèrent du Sahara, par groupes successifs. Il en vint de tous les points de la montagne et jusque du Tafilelt. Les gens d’Ehl-Souss