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(On rit.) c’est trop vif ; maire du palais, c’est blessant pour l’une des personnes que cette expression atteint. Qu’est-ce donc, au vrai, sans chercher des formes épigrammatiques, qu’est-ce donc que le ministre d’État ? Le ministre d’État, dans le décret qui l’a institué, est l’avocat d’office de tous ses collègues. On ne saurait exiger qu’un homme de valeur se condamne à ce rôle d’être un avocat qui explique des causes… (Rumeurs) qu’il n’a pas conduites. Aussi, les attributions du ministère d’État ont dû s’accroître démesurément ; l’avocat des ministres est d’abord devenu leur conseil, puis leur directeur, et aujourd’hui il est, non pas, premier ministre, maire du palais ou grand vizir, mais un Vice-Empereur sans responsabilité. » (Exclamations et mouvemens prolongés.)

Pendant la longue interruption qui suivit, Schneider, se penchant, me dit à l’oreille : « Adoucissez votre expression. — Comment, répondis-je, adoucirais-je une expression qui est la raison d’être de mon discours ? » Le calme rétabli, je repris : « Ainsi d’une part rétablissement constitutionnel de la responsabilité ministérielle, d’autre part suppression d’un rouage inutile que je trouve dangereux, telles sont les deux conséquences qui résultent de l’envoi possible et bientôt nécessaire des ministres à la Chambre. Mais une objection se présente à l’esprit : Etait-il prudent, était-il politique de confier l’exécution des mesures libérales à des ministres qui les avaient naguère combattues avec une si éloquente énergie ? (Chuchotemens.) L’honorable M. Glais-Bizoin ne le pense pas, et il ne connaît, a-t-il dit, aucun pays libre dans lequel un tel spectacle se soit vu. Je lui en demande pardon : ce spectacle s’est vu, dans le pays le plus libre qui existe, dans la libre Angleterre. (Mouvement.) On a vu dans ce siècle les mêmes hommes, Wellington et Robert Peel, deux fois chargés, de réaliser des mesures qu’ils avaient combattues avec énergie : en 1829, l’émancipation des catholiques ; en 1846, la réforme de la loi des céréales. (C’est vrai !) À cette époque, parmi ceux qui attaquèrent la prétendue trahison des ministres, au premier rang, par le talent et l’impétuosité, se trouvait un membre de la Chambre des communes, Disraeli. Ce fut alors qu’il dit ce mot, dont toute l’Angleterre a ri : « Les torys ont profité du moment où les whigs étaient au bain pour leur voler leurs habits. » (On rit.) Or, ces jours-ci précisément, Disraeli, imitant les exemples qu’il avait raillés, a fait connue lord