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reste, Walewski préside mal ; ainsi, à propos des dernières interpellations, je lui avais recommandé de ne pas laisser attaquer la Constitution ; il a arrêté à tort M. Lanjuinais et a laissé le champ libre aux violences de M. Jules Favre. »

La conversation s’égara sur divers sujets. Je dis qu’il ne fallait pas s’épouvanter des agitations de la liberté : « C’est comme sur la mer, quand une tempête éclate ; on croit l’océan bouleversé jusqu’au fond, et cependant les couches superficielles seules sont remuées. — C’est vrai, me répondit-il, mais cette agitation suffit pour submerger le navire. — Très bien répondu, Sire ! mais permettez-moi d’ajouter : Quand le capitaine est incapable. » Enfin il m’annonça qu’il comptait avoir le Luxembourg. Je me récriai : « A quoi bon ? C’est si peu de chose ! nous n’avons pas besoin de cela ! — Cela fera bon effet, » répondit-il.


VIII

L’Empereur se faisait illusion.

L’affaire du Luxembourg avait été entreprise en vue de désarmer l’opinion par une apparence de satisfaction. Son effet fut inverse : on ne fut que plus âpre à demander la réforme constitutionnelle qui préserverait à l’avenir de ces réveils soudains dans la terreur d’une guerre, sans que nous en eussions délibéré les causes, sans que nous en eussions accepté les chances avec une volonté réfléchie.

Ce vœu de liberté qu’on avait cru exaucé paraissait de nouveau déçu. Le « donner et retenir » constaté par Vaillant était en train de prévaloir. Rouher travaillait à écarter de la présidence de la Chambre Walewski et à annihiler mon action dans le Parlement. La nomination des commissaires de la presse fut l’occasion choisie par lui avec d’autant plus de raison qu’il y attaquait à la fois Walewski et moi. Deux jours auparavant, dans un dîner de députés aux Tuileries, Vuitry s’approcha de Walewski et lui demanda de s’entendre avec lui, selon l’usage, sur les noms à désigner aux présidens des bureaux. — « Mathieu, dit Vuitry. — Ollivier, répondit Walewski. — C’est que nous sommes en gagés avec Mathieu. — J’en référerai à l’Empereur. » En effet, Walewski s’approcha de l’Empereur et lui dit : « Votre Majesté a-t-elle pour désagréable qu’Ollivier soit dans la commission