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reçus un billet du président de la Chambre, Walewski, me disant qu’il désirait m’entretenir de réformes à apporter au règlement du Corps législatif.


III

En 1814, à Fontainebleau, au moment des angoisses suprêmes, une femme se présenta et demanda à parler à l’Empereur. Le grand vaincu, écrasé par les émotions, l’oublia dans l’antichambre. Cette femme était la comtesse Walewska, qui venait apporter son dévouement au père de son enfant. Cette illustre paternité était écrite sur le visage de Walewski, qui ressemblait à Napoléon autant que le prince Napoléon, mais avec plus de beauté et moins de finesse. Lui seul affectait d’ignorer ce que tout le monde savait. Quelqu’un ayant cru lui plaire en lui disant qu’il ressemblait à son père, il répondit : « Personne ne m’a dit que je ressemblasse au comte Walewski. » Bien accueilli par le roi Louis-Philippe, comme tous ceux qui se rattachaient à l’Empire, il avait été employé dans la diplomatie du gouvernement de Juillet. De cette partie de sa carrière il avait gardé des relations amicales et non interrompues avec Thiers, et du goût pour le système parlementaire.

Il avait plus de solidité dans l’esprit que de brillant, plus d’obstination que de flexibilité ; il concevait avec lenteur, s’exprimait sans facilité, mais avec une telle autorité de droiture que, s’il ne charmait pas, il imposait le respect, et personne n’avait l’idée de croire qu’il pût ne pas dire la vérité. C’était un honnête homme dans toute l’étendue du terme ; celui auquel il avait tendu la main n’avait à redouter ni duplicité, ni trahison. Il ne soutenait pas avec indifférence des thèses quelconques ; il croyait à quelque chose. Dans la négociation, il allait droit au fait ; son habileté consistait à fermer les portes de sortie, à ne pas permettre les équivoques, à contraindre aux réponses décisives. Il avait médiocrement réussi comme président : il manquait de prestesse dans la riposte, et ne savait pas circuler avec sécurité dans le labyrinthe du règlement ; les arguties de l’opposition le déconcertaient et, quoique animé d’un sentiment vraiment libéral, parfois, dans la crainte de permettre trop, il ne permettait pas assez.

Un mouvement semblable à celui que nous avons signalé