Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 21.djvu/485

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tent de celle du Quirinal. Pourquoi cette différence, qui n’est certainement pas pour eux un privilège ? Les préoccupations du Saint-Père, dans l’ordre d’idées dont il s’agit, ne sont pas du domaine spirituel ; elles sont évidemment du domaine politique. Dans ces conditions, il ne saurait trouver déplacé que M. le Président de la République se préoccupe, lui aussi, des intérêts temporels du pays qu’il représente. Nest-ce pas son devoir de le faire ? Il voit dans le monde, — et comment pourrait-il ne pas le voir ? — un grand pays qui est en pleine croissance et qui se développe chaque jour davantage. Toutes les autres puissances européennes doivent compter avec l’Italie et faire de la politique avec elle. Serait-il admissible que les gouvernemens hérétiques ou scliismatiques eussent pour cela des moyens d’action qui seraient interdits aux gouvernemens cathohques ? Ne serait-ce pas placer ces derniers dans une situation d’infériorité manifeste ? Nous savons bien tout ce qu’on peut dire pour expliquer l’attitude prise par le Saint-Père. Les diplomates et les théologiens parviennent à en comprendre le sens un peu mystique ; mais il faut tenir compte aussi de l’intelligence des peuples, qui est faite de simple bon sens et à laquelle les choses visibles et tangibles parlent mieux que les raisonnemens. Eh bien ! quand un peuple catholique voit le Pape accueillir avec beaucoup de considération et de satisfaction l’Empereur allemand ou le roi d’Angleterre au moment même où ils viennent de serrer la main du roi d’Italie, il ne comprend pas, et personne ne réussira à lui faire comprendre pourquoi son représentant à lui, peuple catholique, ne serait pas traité sur le même pied. Faudrait-il donc que l’amitié ou l’alliance de l’Italie, avec le poids dont elles peuvent éventuellement peser dans le monde, fussent abandonnées aux gouvernemens hérétiques ? Ne pourrions-nous pas y prétendre, ou n’aurions-nous pas les mêmes moyens de nous les assurer ? Serions-nous mis dans l’alternative, parce que la majorité du peuple français est catholique, de manquer à l’Italie ou au Pape, alors que nous sommes pleins de sympathie pour la première et de respect pour le second ? Peut-être n’a-t-on pas assez examiné, au Vatican, la question à ce point de vue. Le Président de la République, tout en[regrettant l’impression produite sur le Saint-Père, avait-il le droit de s’y arrêter ? Il aurait certes commis une faute, et en même temps une grave inconvenance si, sachant que la porte du Vatican devait s’ouvrir devant lui, il n’était pas allé y frapper ; mais il savait le contraire, et cela de source sûre, puisque le Pape le lui avait confirmé par l’organe de l’Osservatore romano. Dès lors, tout le monde avouera qu’il ne