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l’y mit. A socialiste, socialiste et demi ! Il se pose lui-même en intermédiaire entre les parties, interdit toute importation d’ouvriers nouveaux, fixe les tarifs, reçoit les salaires des mains des patrons et les distribue aux ouvriers, légalise les roulemens ou « tours » et s’en réserve-à-lui-même l’application journalière. Cet acte d’autorité met naturellement en joie les ouvriers, dont les principales exigences sont satisfaites : ce sont les patrons qui se plaignent, bien qu’après tout, ce soit pour eux une sérieuse garantie que cette intervention d’un pouvoir qui a tout intérêt à la bonne marche des affaires. Tout cela, d’ailleurs, n’est encore que du provisoire. D’une part, aisée sur le papier, la réforme l’est moins en réalité ; jusqu’à présent, ligues et Confidenti ont continué leur service en sous-main, et il faudra du temps pour que les agens officiels suppriment les officieux. D’autre part, c’est un jeu dangereux que joue là le Consorzio, et il est clair que, lorsqu’il y a dans un port douze mille ouvriers pour cinq à six mille à employer ; que les ouvriers ne travaillent qu’un jour sur deux, souvent un sur trois ; que les progrès de l’outillage mécanique restreignent de plus en plus les emplois, le calme n’est qu’apparent et que, d’un jour à l’autre, on peut se trouver aux prises avec des difficultés très graves. On dit bien que les nouveaux travaux emploieront les bras, et qu’après les travaux terminés, le développement du port réclamera plus de main-d’œuvre. N’empêche que, tant que le travail ne sera pas « organisé, « il y aura des conflits possibles, et aussi bien est-ce à l’« organiser » que le Consorzio travaille maintenant : à créer des « coopératives » d’ouvriers, ou à les développer, car il en existe déjà ; à les réglementer, sous le contrôle de l’autorité, à les préparer à remplacer les « ligues » socialistes et à se charger accessoirement de tels ou tels services d’assurance et d’épargne, qui donneront à leurs membres le sens de l’ordre et de la responsabilité. Le Consorzio n’est encore qu’au commencement de ce travail d’organisation, mais, dès à présent, on ne peut se défendre de tristes réflexions quand on voit chez nos voisins ces vigoureuses initiatives, dont il peut sembler qu’il y aurait certains traits, — non pas tous, — à imiter chez nous, quand on compare ces efforts et ces progrès de nos rivaux au désordre et à la désorganisation qui règnent à Marseille et qui, d’un jour à l’autre, comme en ce moment, peuvent vider les quais et les bateaux, tarir les affaires et les salaires, ou bien, — pis encore, — à cette tourmente d’anarchie