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orné de la double ancre et de la croix de Saint-Georges, avec cette fière devise : Libertas. Les grandes lignes du projet Impériale furent reprises, sur un plan d’ailleurs plus modeste, par le gouvernement, et de là sortit enfin, après de longues discussions, la loi récente du 2 février 1963, qui constitue au port de Gênes, pour une période de soixante ans, un Consorzio autonomo, conseil ou syndicat autonome, composé de vingt-sept membres, englobant tous les intérêts touchant au port, représentans de l’État d’abord, des divers services publics intéressés, représentans de la Chambre de commerce, des armateurs, des chemins de fer, de la ville de Gênes et des provinces ; enfin, pour ne pas oublier l’essentiel, des ouvriers du port et des inscrits maritimes.

Autorité quasi souveraine pour tout ce qui touche au port, le Consorzio a la charge de tous les services de l’exploitation du port comme de tous les travaux d’amélioration et d’agrandissement. Il a la police du port. Il reçoit du Trésor un tant pour cent sur les droits de tonnage, et peut, pour gager ses emprunts, imposer une taxe sur les marchandises. Le président, nommé par l’Etat, fait le gros de la besogne, avec l’assistance d’un comité exécutif de onze membres où d’ailleurs l’État a la majorité : ce président est un Génois, un général qui s’est fait un nom dans les (luttes pour l’unité italienne, au temps où il portait la chemise rouge aux côtés de Garibaldi, dont il devait plus tard devenir le gendre, le général Stefano Canzio, l’homme le plus populaire de Gênes. Confians et flattés tout d’abord en la personne de Canzio, les Génois furent bientôt touchés dans leurs souvenirs historiques quand ils virent, comme par un retour du passé, le Consorzio prendre possession de ce vieux Palais qui est pour eux ce qu’est le Palais ducal pour les Vénitiens et le palais de la Seigneurie pour les Florentins, le palais Saint-Georges, rose et fin, si élégant avec ses délicates colonnettes et ses arcades cintrées et qui, du côté de la mer, avec ses épaisses murailles et ses fenêtres solidement grillées, semble vouloir encore défier un assaut ! Il leur sembla que la tradition se renouait depuis les temps glorieux de la Banque de Saint-Georges, et, de fait, le visiteur est curieusement surpris lorsqu’il entre aujourd’hui dans le palais, traverse cette vieille salle du Conseil où sont encore rangées, sous l’effigie de Guglielmo Boccanegra, les chaises curules des anciens régens, et trouve ensuite, dans le cloisonnement étroit des petits Offices à