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tant pour l’Amérique du Sud que pour l’Extrême-Orient, et qui, avec la clientèle des Américains en villégiature sur la « rivière, » et celle des émigrans ou colons italiens à destination du Brésil et de la République Argentine, — on sait que l’Italie se ménage pacifiquement là-bas, par ses colons et ses émigrans, ce qu’en style commercial on appellerait une « filiale, » — assure à Gênes un mouvement de passagers très considérable dont une bonne part eût pu être gardée ou gagnée par Marseille. Gênes, en somme, est devenue le grand port allemand de la Méditerranée : l’Allemagne a aidé ses progrès, soutenu ses efforts contre son rival marseillais, et il semble que cet afflux d’énergies germaniques ait comme ranimé dans le vieux sang génois l’ardeur d’entreprise et l’énergie des anciens temps.


III

Ce qui contribue en un sens à expliquer les faciles et rapides progrès du port de Gênes, c’est qu’il a été, au moins jusqu’à ces dernières années, parfaitement exempt de toutes les difficultés que suscite dans la plupart des autres ports la question ouvrière. Celle-ci a commencé toutefois, il y a trois ans, à se poser à Gênes et tout de suite de façon très aiguë. Tout de suite aussi, pour se mettre à même de parer effectivement au danger, et de résoudre en même temps quantité de difficultés techniques, administratives, commerciales, qui sont inhérentes à l’exploitation d’un grand port, les Génois, avec l’aide du gouvernement et de la législature, prirent l’initiative de créer un organisme nouveau répondant aux besoins nouveaux, dont certains traits étaient sans doute inspirés par l’influence allemande et les doctrines du socialisme d’Etat, et dont il n’est pas sans intérêt de rendre compte brièvement.

Dans toute industrie, qu’il s’agisse de banque ou de chemin de fer, d’un « grand magasin » ou d’un port marchand, la première condition d’une bonne exploitation, c’est qu’il y ait à la tête de l’affaire un chef, une direction unique et responsable. Que, dans un port, l’autorité dirigeante soit locale ou d’Etat, c’est une autre question, que chaque peuple a résolue suivant ses tendances plus ou moins prononcées à la centralisation : mais partout il faut que l’autorité dirigeante soit unique. L’Angleterre a résolu le problème en remettant la création et la gestion des