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d’indiférence je nai pas été un moment sans moccuper de vous, les soins nécessaires à la disposition d’un azile que vous devés partager, me font naitre une multitude d’idées agréables dont l’exécution ne laisse pas d’être laborieuse sur une terre toute nue, dans une saison ou il n’y a pas un instant à perdre pour les plantations et avec des ouvriers peu nombreux et qui ne sont pas échauffés par mes sentimens. cependant à force d’aller et venir, de faire et de refaire, votre hermitage commence à prendre une forme intéressante, je vous en dirai davantage demain à l’heure du dîner, car je comte donner ce soir et demain matin aux affaires afin de pouvoir jouir l’après midi de quelques heures de plaisir auprès de vous, je suis obligé en ce moment de quitter la plume, a demain tendre amie, je vous embrasse de tout mon cœur. »


Lettre no 9. — De Bernardin de Saint Pierre[1], — sans indication de lieu, ni de date, mais probablement de Paris et de novembre 1792 ; — inédite.


« j’allois vous écrire, ma tendre amie, lorsque Rousseau mest venu aporter votre lettre, elle mauroit fait plus de plaisir par la poste, l’envoy d’un commissionaire donne trop de publicité à notre correspondance, j’ai cependant parfaitement bien senti que cétoit l’inquiétude ou vous étiés de ma santé qui vous avoit décidée à cette démarche, j’en suis donc très touché, j’ai en effet, du Rhume, ce qui ma décidé a garder hier la chambre et à suivre le conseil que je vous avois donné pour vous même, cependant j’irai diner aujourd’hui chez le ministre de l’intérieur, j’en ai reçu linvitation hier à 9 heures du soir, j’ai à lui parler de plusieurs affaires et aussi de mes plaisirs c’est à dire des moyens de me procurer quelques bonnes espèces d’arbres à fruit de la pépinière nationale pour File de la félicité, car cést le nom que je désire qu’elle porte, il n’y a pas un moment à perdre, cette perspective de bonheur dont vous êtes le centre me dédomage des tracasseries inséparables aujourdhui des fonctions publiques ; quand je suis mécontent des hommes, je menfonce en esprit dans les verges et les bocages, il est tems de rendre mon azile digne de vous en y reunissant tous les arbres fruitiers et touttes les fleurs que le climat et le sol peuvent produire.

  1. Cette lettre a le no 42 dans la collection Gélis-Didot.