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numérique, égale, sinon supérieure, à l’organisation allemande.

Rappelons-nous que, si l’officier et le soldat français ont une valeur incomparable, ils ne doivent pas payer de leur vie les vices d’une organisation défectueuse, et que, à égalité d’organisation avec l’adversaire, leur sang et leur héroïsme doivent seulement solder la victoire.

Si cette organisation s’égale aux difficultés de la guerre, elle doit aussi répondre aux nécessités sociales du temps de paix. La notion de notre crise militaire n’est pas complète, si l’on ne s’aperçoit pas qu’elle se double d’une crise sociale, née d’une équivoque dans les rapports entre la nation et l’armée.

Notre organisme militaire évolue conjointement à un milieu social dont on doit tenir compte, sous peine d’un divorce aux conséquences incalculables. Cette vérité est évidente : il faut qu’il y ait harmonie entre la vie de la nation française et la vie propre de son armée.

Ceux qui prétendent qu’il y aurait incompatibilité foncière et absolue entre une forme de gouvernement qui attribue la souveraineté au suffrage universel et l’exécution à des chefs élus, et une organisation militaire qui confère l’autorité absolue à des chefs non élus et qui impose l’obéissance à la masse, ceux-là sont peut-être des logiciens redoutables, mais surtout redoutables pour leur pays.

Et, d’ailleurs, ce pays lui-même a démontré l’erreur de la thèse qu’ils soutiennent. La France vit depuis trente ans en république avec une armée qui, somme toute, lui fait honneur.

En tout cas, il faut que le système politique et social, ainsi que le système militaire, s’accordent : l’existence de la France en dépend.

Reléguer l’armée à part, c’est faire œuvre de réaction militaire, comme au temps de la Restauration ou au début du second Empire ; c’est préparer la défaite.

Rendre plus intime encore la corrélation de l’armée et de l’état social, c’est faire œuvre de progrès comme à l’époque du comte de Saint-Germain, de la Révolution et du premier Empire : c’est préparer la victoire.

Qui oserait dire qu’une pareille tâche est impossible ? La meilleure manière de la remplir paraît être de calquer l’organisation militaire sur l’organisation politique.

La constitution distingue entre le pouvoir législatif et le pouvoir