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En un mot, est-il nécessaire, — comme l’a fait remarquer le rapporteur du budget de la Guerre de 1901, — de conserver tous les rouages d’une armée autonome et distincte de la nation, lorsque notre organisation militaire repose tout entière sur le principe de la nation armée ?

Le devoir de réaliser judicieusement toutes les économies possibles est donc absolu. Il est en outre inévitable ; et, il le paraît davantage encore, si l’on veut bien examiner la question dans ses relations avec le chiffre de notre population, La crise de natalité que traverse la France en ce moment, et que nous allons étudier au point de vue de nos ressources en hommes, a, en effet, une répercussion directe sur la lourdeur de nos dépenses militaires.

L’enchaînement peut paraître inattendu ; et cependant il n’en est pas de plus facile à comprendre. Si le nombre total de notre population paraît stationnaire, le nombre des naissances qui l’alimentent a diminué depuis quarante ans dans la proportion effroyable d’un cinquième. Déjà le nombre des conscrits annuels diminue ; demain, le chiffre total de la population va diminuer, tandis que celle de l’étranger augmente d’une façon constante. Quelle est la conséquence d’un pareil état de choses ? Elle est grave, même au point de vue financier. En effet, si nous supposons arbitrairement que l’on atteigne en France le même chiffre de dépenses militaires qu’en Allemagne, il est aisé de se rendre compte que, par ce seul fait que la population allemande progresse et que la nôtre tend à diminuer, le fardeau se répartira d’un côté sur un nombre de têtes qui va en augmentant, tandis que, de l’autre, il se divisera par un chiffre de têtes qui va aller en diminuant, de sorte que la part proportionnelle à chaque habitant diminuera sans cesse et automatiquement dans le premier pays, tandis qu’elle augmentera automatiquement et sans cesse dans le second.

C’est ainsi que déjà la France paye, par tête d’habitant, 18 fr. 72, pour son budget de la Guerre, avec une dépense totale de 720 millions ; tandis que l’Allemagne paye seulement, par tête d’habitant, 15 fr. 13, avec, pour sa part, 803 millions de dépenses militaires. Et, par suite du mouvement que nous venons de signaler, cette charge tend constamment à diminuer de l’autre côté du Rhin, à augmenter de ce côté-ci.

Est-il donc nécessaire de réduire, chaque année, nos dépenses