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On devrait ajouter surtout que cette loi de 1889 ne se conforme pas aux deux principes essentiels que l’armée allemande a tirés de l’expérience de 1870, qui font toute la force de son organisation présente, et qui rendent plus redoutable la lutte prochaine : la permanence des effectifs et la séparation des combattans et des non-combattans.

En revanche, nous voyons aujourd’hui comme alors, qu’on fait intervenir « les principes démocratiques » dans un système militaire ; on nous assure même que l’objet principal de nos lois de recrutement doit être, non pas de créer une armée la plus forte possible, mais une armée où règne pour tous l’égalité du service.

Lorsqu’un pareil problème se pose, d’où l’avenir de la patrie dépend, il est mauvais que l’oreille du peuple soit ouverte aux sollicitations d’une existence plus facile ; que ses yeux soient attirés vers l’utopie égalitaire ; et qu’en flattant ses instincts, à la fois généreux et faibles, on lui fasse perdre de vue le caractère positif nécessaire d’une organisation militaire vigoureuse et saine, pour le conduire vers le mirage de la milice. C’est un point qui divisera toujours d’une manière irrémédiable les fidèles de la patrie et les utopistes humanitaires ou politiciens. C’est le nœud de la crise présente. Mais il est juste de reconnaître, soit dans le rapport de M. Berteaux, soit dans les articles de M. Gervais, que l’état d’esprit qui régnait en 1889 semble, dans une mesure relative et sur certains points particuliers, s’amélior.er. La gravité du problème militaire actuel, une connaissance plus précise des progrès de l’étranger, l’émoi causé par la décomposition de l’armée depuis que la politique y a été introduite par le ministère actuel, bref, l’urgence d’une solution logique et forte, semblent frapper quelques esprits, et permettent peut-être, dans le désarroi actuel, de compter sur quelques bonnes volontés et sur la clairvoyance du peuple.

Le peuple, a-t-on dit, ne regarde pas au dehors. Il sait seulement de quel poids pèse, sur les difficultés de sa vie quotidienne, le fardeau de la défense nationale, et à quels sacrifices l’oblige la présence prolongée de ses fils sous les drapeaux. Cela peut être vrai, mais s’il ne refuse ni son sang, ni son argent, croyez qu’il se sent le droit de demander que le meilleur usage soit fait de l’un et de l’autre.

Le devoir des gouvernans est différent. Ils doivent fournir