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sera ainsi assurée ; nous ne désirons pas autre chose (15 avril). »

Sur le fond même de la question Bismarck était de l’avis du gouvernement français. Il estimait le droit de garnison prussien douteux, caduc, éteint. « , Nous n’avions pas plus de droit de tenir garnison dans le Luxembourg, contre la volonté manifeste du souverain de ce pays, a-t-il dit depuis, que nous n’en aurions d’occuper Rastadt contre le gré du grand-duc de Bade, ou d’avoir nos troupes dans Mayence, si le grand-duc de Hesse n’avait pas conclu avec nous un traité qui nous accorde à nouveau le droit de garnison en cette ville. » Il ajoutait que, si la question n’attaquait pas un droit incontestable de l’Allemagne, elle ne menaçait pas son indépendance, car cette « forteresse du Luxembourg, d’après les autorités militaires prussiennes, n’offrait qu’un minime avantage stratégique[1]. »

Bismarck n’attachant pas d’importance à la possession de la forteresse et l’Empereur se déclarant prêt à renoncer à l’acquisition du territoire, il n’y avait vraiment plus matière à conflit et il ne restait qu’à réunir d’un commun accord les signataires de la Convention de 1839. Moustier l’avait proposé en effet, non par une dépêche, mais à la tribune, par sa déclaration publique du 8 avril. Traiter ainsi les affaires diplomatiques est un moyen dangereux auquel on n’est autorisé à recourir que lorsqu’on vous a fermé la porte des négociations. Ce n’était pas le cas : Bismarck ne demandait pas mieux que de négocier ; c’était nous qui l’avions mis en quarantaine[2]. Moustier avait formellement interdit à Benedetti d’entrer en explications avec lui ; Bismarck avait vivement ressenti ce procédé, et malgré son opinion sur l’inanité du droit prussien de garnison dans Luxembourg, il avait sèchement refusé aux puissances neutres l’évacuation.

On resta ainsi en face les uns des autres, ne se disant rien et faisant de part et d’autre des suppositions alarmistes sans fondement. « On veut la guerre en France, disaient les Prussiens ; le Luxembourg est un prétexte et, loin d’être une garantie de paix, le sacrifice du Grand-Duché ne contribuerait qu’à exciter ses convoitises, en affaiblissant l’Allemagne. Les partis ennemis du

  1. Discours du 21 septembre 1867.
  2. Benedetti à Moustier. — « La première de vos deux dépêches me fixe sur un point important, en me répétant que je dois attendre les avances de M. de Bismarck et par conséquent m’abstenir de prendre l’initiative de nouveaux entretiens avec lui au sujet de l’affaire du Luxembourg. » (Berlin, 13 avril 1867.)