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Jules Favre et ses amis avaient fait une interpellation. Le gouvernement la fit rejeter dans les bureaux, mais il lui donna satisfaction en venant lire à la tribune la déclaration suivante : « Le gouvernement, dominé par la conviction profonde que les intérêts véritables et permanens de la France sont dans la conservation de la paix de l’Europe, n’apporte dans ses relations nationales que des pensées d’apaisement. Aussi n’a-t-il pas soulevé spontanément la question du Luxembourg. La position indécise du Limbourg et du Luxembourg a déterminé une communication du cabinet de La Haye au gouvernement français. Les deux souverains ont été appelés à échanger leurs vues sur la possession du Duché ; les pourparlers n’avaient d’ailleurs encore pris aucun caractère officiel, lorsque, consulté par le roi des Pays-Bas sur ses dispositions, le cabinet de Berlin a invoqué les stipulations du traité de 1839. Fidèles aux principes qui ont constamment dirigé notre politique, nous n’avons jamais compris la possibilité de cette acquisition de territoire que sous trois conditions : le consentement libre du grand-duc de Luxembourg, l’examen légal des intérêts des grandes puissances, le vœu des populations manifesté par le suffrage universel. Nous sommes disposés à examiner de concert avec les autres cabinets de l’Europe les clauses du traité de 1839. Nous apporterons dans cet examen le plus entier esprit de conciliation, et nous croyons fermement que la paix de l’Europe ne saurait être troublée par cet incident (8 avril). »

Cette déclaration impliquait la renonciation formelle à la cession du Luxembourg, puisque la première condition, le consentement libre du grand-duc, n’était pas réalisée. Mais en même temps elle ouvrait publiquement, avec les puissances signataires du traité de 1839, la question de l’évacuation de la forteresse. Quelques jours après, une circulaire aux agens diplomatiques commentait ces déclarations : « Le gouvernement de l’Empereur est disposé à entrer dans toutes les pensées de conciliation compatibles avec sa dignité et ses devoirs envers le pays. Il croit fermement que les puissances ne méconnaîtront pas et amèneront la Prusse à reconnaître les intérêts généraux engagés dans cette question. Le retrait de la garnison de Luxembourg nous rendra possible de renoncer pour notre part à un territoire dont la cession était consentie en notre faveur par son légitime souverain et où nous appelaient les vœux des populations. La paix de l’Europe