Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 21.djvu/245

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

actuelles, proposé des changemens dans ce sens. Aussitôt que l’Égypte sera prête pour l’introduction d’un système législatif et judiciaire semblable à celui qui existe dans d’autres nations civilisées, nous avons des raisons suffisantes de compter sur la coopération française pour effectuer les changemens nécessaires. » Cela est clair. L’échéance que prévoit lord Lansdowne est sans doute lointaine, et sans doute elle n’arrivera que lorsque la contre-partie de ce qui se ferait en Égypte pourra se faire aussi au Maroc ; mais enfin elle arrivera, et on comprend la joie de l’Angleterre à la pensée que les dernières institutions européennes disparaîtront alors de l’Égypte. On ne saurait exagérer la gravité de cette concession. Cependant nous ne nous plaignons pas qu’on l’ait faite : nous l’avons dit en commençant, notre bonne entente avec l’Angleterre valait quelques sacrifices. En revanche, celle-ci consent à mettre immédiatement en vigueur le traité conclu, en 1888, pour le libre usage du canal de Suez, c’est-à-dire pour sa neutralisation. Est-ce encore la contre-partie de l’engagement que nous avons pris de ne pas fortifier la côte marocaine à l’est et à l’ouest du détroit de Gibraltar ? Quoi qu’il en soit, il faut l’accueillir avec satisfaction.

La place nous manque pour parler du Siam. Un mot suffit d’ailleurs, à savoir que l’arrangement de 1896, atténué ou obscurci par des interprétations subséquentes, devient enfin une réalité et recouvre toute sa valeur. Nous sommes libres à l’est du bassin du Ménam, de même que les Anglais le sont à l’ouest : une fois de plus l’équilibre est parfait.

On nous reprochera peut-être de ne pas imiter les ministres anglais et de ne pas assez déprécier ce à quoi nous renonçons. Il nous est impossible, en effet, de ne pas exprimer quelques regrets au sujet de l’Égypte, non plus que quelques appréhensions au sujet du Maroc. Mais cela n’altère pas notre jugement sur l’ensemble de nos arrangemens : favorable dès le début, il reste tel après réflexion. Comment se mettre d’accord sans se faire des concessions réciproques ? Nous en avons fait, et quelques-unes sont pénibles ; on nous en a fait, et c’est tant mieux pour l’Angleterre si les siennes le sont moins pour elle. Cela n’en diminue pas la valeur pour nous. Enfin, et par-dessus tout, l’entente est conclue ; rien désormais ne nous divise ; nous pouvons entrer dans une ère nouvelle où nous avons sans doute beaucoup à oublier, mais où nous avons aussi quelque chose à espérer. Le monde. Dieu merci ! est assez grand pour la France et pour l’Angleterre, et pour d’autres encore. C’est une vérité certaine : toutefois