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Annales de la Jeunesse laïque, M. Naquet, ancien sénateur, Israélite, ancien membre du « Comité national » boulangiste, socialiste, internationaliste et « père du divorce, » a repris à son compte le mot de Napoléon Ier et mis l’Europe en face du dilemme : républicaine ou cosaque ; il a insisté sur l’incompatibilité d’une politique républicaine et d’une alliance avec le tsar, et montré dans le Japon le champion naturel du socialisme, de la raison et du laïcisme. Déjà M, Weulersse, dans son intéressant livre, avait signalé entre le Japon et nous des « affinités révolutionnaires ; » le problème n’est-il pas, pour lui comme pour nous, de « fonder une morale laïque ? » Au-dessus de tous les autres, M. Gustave Hervé s’est distingué par l’ardeur et la franchise de ses sentiments japonais ; dans la Revue de l’enseignement primaire, où il écrit hebdomadairement, il mène une campagne violente contre la politique de M. Delcassé ou plutôt contre la politique voulue par la France. Dans son article Pour le Japon, du 7 février, il félicite les sujets du Mikado d’avoir « le goût des nouveautés et toutes les curiosités de l’esprit moderne. » Il les loue de posséder « de grandes fabriques et des usines géantes ; » mais voici la raison principale de ses prédilections : « Il n’y a peut-être pas au monde un peuple aussi peu religieux et il n’y a pas au monde, à coup sûr, une classe dirigeante qui fasse si ouvertement profession de rationalisme et d’athéisme. » « Ce n’est pas au Japon qu’on persécute les missionnaires catholiques ou protestans : on se contente de leur rire au nez. » — Et, après avoir constaté que, « moralement, le Japon n’a aucune leçon à recevoir de nous, » il conclut : « La haute finance d’Europe et les missions sont anti-japonistes ; une double raison, jointe aux autres, pour nous, d’être japonistes. » — Le 28 février et le 20 mars, M. Hervé s’en prend directement à l’alliance franco-russe :


Crions par-dessus les toits que nous ne voulons pas la guerre, sous quelque prétexte que ce soit.

Crions que l’alliance russe, qui a pour contrepoids la Triple-Alliance, ne nous protège nullement contre l’Allemagne, que la rupture de l’alliance russe amènerait la rupture de la Triple-Alliance ; qu’isolés en face de l’Allemagne, nous ne serions pas en plus mauvaise posture qu’unis à la Russie, moins exposés aux coups de la Triple-Alliance.

Crions que l’alliance russe nous expose d’un moment à l’autre à une guerre européenne.

Crions que nous voulons connaître le texte du traité d’alliance.