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acceptait la Bulle, ils auraient le regret de ne pouvoir lui obéir. A Paris et même en province, l’opinion publique était favorable aux opposans. La populace s’en mêlait et déchirait aux portes des églises les mandemens des prélats favorables à la Constitution. La confusion, l’anarchie étaient partout.

Mme de Maintenon suit avec ardeur toutes ces péripéties, mais, au milieu de ce désordre, son sens droit n’hésite pas. Elle se prononce avec vivacité contre ce qu’elle appelle le parti, c’est-à-dire contre le jansénisme renaissant. En cela elle demeure fidèle aux répugnances du vieux Roi, contre la politique duquel cette renaissance du jansénisme lui paraît une revanche. Elle est tout entière du côté des cardinaux de Rohan et de Bissy, que Louis XIV avait chargés de pacifier l’Église, et qui n’avaient ni l’un ni l’autre l’autorité morale et la supériorité intellectuelle qu’il aurait fallu pour cela. Quant au cardinal de Noailles, elle semble avoir tout à fait oublié son ancien attachement pour lui, et qu’elle-même l’avait fait archevêque de Paris. Mais elle s’élève bien au-dessus de ces querelles des personnes. Elle discerne clairement le péril dont ces divisions menacent dans l’avenir l’Eglise de France. Les prévisions les plus sombres reviennent à chaque instant sous sa plume. A plusieurs reprises elle parle de la probabilité d’un schisme. Elle ne se trompait que de peu d’années, car tous ceux qui ont étudié l’histoire du clergé sous l’ancien régime sont d’accord pour dire que le jansénisme a préparé inconsciemment la Constitution civile de 1792, et que les évêques opposans ont été les précurseurs des évêques jureurs. Dans une matière d’importance moindre, elle fait preuve d’une égale sagacité, lorsque, parlant de certaines mesures vexatoires que le cardinal de Noailles avait cru pouvoir prendre contre les Jésuites, elle dit : « Les Jésuites sont accoutumés aux révolutions. Ils se tireront de celle-ci comme des autres. »

Au milieu de ces controverses, Mme de Maintenon avait la satisfaction de se trouver d’accord avec Mme de Caylus, bien revenue de son ancienne tendresse pour les jansénistes. « Dieu veuille récompenser votre changement, lui écrit Mme de Maintenon, car vous soutenez présentement la foi que vous avez combattue. Vous êtes plus vive que moi. » En effet. Mme de Caylus n’est pas moins préoccupée des affaires de l’Eglise que Mme de Maintenon, ni moins animée contre le cardinal de Noailles. « Est-il possible, écrit-elle en parlant du cardinal de Rohan, que