Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 20.djvu/925

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ni dans sa méthode, ni dans ses progrès. On a coutume d’associer son origine au nom de Griffith Jones, de Landowror ; mais ce furent Howell Harris et Rowlands, de Langeitho, qui le firent triompher. En face d’une persécution violente, ces hommes, par la ferveur extraordinaire de leur prédication, arrachèrent le peuple à sa léthargie. Nous connaissons le résultat : en 1735, il y avait 8 temples non-conformistes dans le Nord-Galles ; il y a aujourd’hui dans la principauté plus de 1 500 000 dissidens contre un peu plus de 200 000 fidèles de la religion anglicane[1]. Cette grande majorité demande maintenant que l’église anglicane cesse d’être en Galles l’église établie, et elle a sur plusieurs points manifesté avec violence, par le soulèvement contre les Dîmes, Anti-Tithe War, sa volonté de hâter l’heure du Disestablishment.

Le réveil religieux eut une répercussion infinie : il fit courir dans l’âme galloise un long frisson qui la ranima tout entière, si bien qu’elle put reprendre enfin pleine conscience de sa personnalité. Dès le début, le mouvement de réforme eut la fortune de susciter de grands orateurs : jamais l’éloquence de la chaire, en Grande-Bretagne, ne s’éleva plus haut que dans ces petites communautés. Le mouvement, religieux à l’origine, dépassa bientôt ses propres limites. « Il fut, en fait, dit le professeur Rhys, la résurrection d’un peuple. Il transforma, en les fortifiant, les qualités intellectuelles et morales de la masse du peuple gallois ; il développa dans son esprit des puissances qui sans doute existaient déjà, mais qui ne trouvaient pas à s’employer ; il amena des hommes qui n’avaient jamais eu l’occasion de réfléchir à se poser et à discuter des problèmes fondamentaux de la religion et de la philosophie ; et il stimula à un degré extraordinaire le sens dialectique et imaginatif d’une race naturellement vive ; il l’inclina vers l’éloquence et la fit attentive aux ressources de la langue[2]. »

C’est ainsi que la renaissance religieuse prépara une renaissance intellectuelle, dont le principal agent fut le vigoureux clergé constitué en quelques années sous l’impulsion des réformateurs, Au commencement du XVIIe siècle, peu de Gallois instruits pouvaient parler leur langue, et le peuple qui la parlait ne savait pas la lire. La pratique de la Bible galloise, qui se

  1. Exactement 1 776 000 contre 225 000, d’après M. Ch. Le Goffic, le Mouvement panceltique (Revue des Deux Mondes, 1er mai 1900).
  2. Loc. cit., ch. X.