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perpétuer la tradition, des représentans de toutes les nationalités celtiques. La langue nationale est prospère, les cultes nationaux ont réduit l’anglicanisme à la religion d’une petite minorité ; la vie nationale renaît sous toutes ses formes et recrée son autonomie.

Mais, en même temps, elle la transpose. Et voilà précisément où se précise l’aptitude de la nature à sauver ce qui ne peut pas, ce qui ne doit pas périr. C’est à l’heure même où le statut de 1740 consomme l’assimilation politique et, si l’on peut dire, corporelle, de la Principauté, que son âme va recommencer de vivre. Après avoir réalisé, parmi tant de causes de destruction, le miracle de ne pas mourir, elle reprend son énergie ; et, sans territoire, sans souveraineté, va restaurer une nation toute spirituelle, au-dessus des injustices et des fatalités de l’histoire. Elle ne se dépensera plus en chimères inutiles : la couronne de Cadwaladr est à jamais perdue, et le roi Arthur ne reviendra que dans les poèmes. Comme l’Irlande, comme l’Ecosse, le pays de Galles fait à jamais partie du Royaume-Uni. Mais, si nulle arrière-pensée n’agite son loyalisme, il n’en demeure pas moins une patrie, puisque, sur la terre des aïeux, passée à d’autres maîtres, subsistent ses traditions, ses souvenirs, ses mœurs, son esprit, sa littérature, sa langue même. Comment s’est ranimée cette vie spirituelle de la nation galloise ? C’est le dernier épisode de son histoire, pathétique comme un drame, héroïque comme une épopée.

Dans les crises qui décident du sort d’un être, un déchirement met à nu le fond tout entier, d’où jaillit, comme sous une poussée suprême, l’essentielle énergie. Quand la destinée de Galles en fut venue là, l’éternel foyer d’idéalisme allumé aux profondeurs du génie celtique jeta sa flamme à travers les ombres de la mort et y ranima la vie. Cette race, détachée des intérêts de la terre, fascinée par l’idée de la mort, éprise d’inconnu, d’au-delà, de mystère, est avant tout religieuse. L’ardeur religieuse se réveilla la première, avivée en quelques membres de ce petit clergé, toujours pauvre et si souvent insuffisant, mais qui sortait du peuple et en avait toute l’âme. Ils se soulevèrent contre l’indifférence anglicane, contre cette église politique, si peu religieuse, et dont les chefs demeuraient étrangers à leur troupeau, d’esprit, de cœur et de langage. Le mouvement fut, du même coup, national et non-conformiste. Nous ne saurions ici l’exposer,