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motif d’une action judiciaire intentée sous le règne d’Elisabeth[1]. »

Rien n’était donc épargné pour étouffer la nationalité galloise. Elle avait beau être vivace et obstinée : la force d’oppression égalait la force de résistance. L’immobilité qui depuis longtemps arrêtait le corps brisé gagna l’âme impuissante ; et une période de torpeur commença. A peine un dernier frisson parut l’émouvoir, au moment de la grande guerre civile. Les Stuarts n’avaient rien fait pour le pays de Galles ; mais il suffisait que l’Angleterre se soulevât contre eux pour qu’il prît leur parti, tant les désirs du peuple anglais sont puissans à orienter en sens contraire la volonté des Gallois. Sans doute aussi l’espoir d’améliorer leur sort à la faveur des services rendus encourageait cette attitude. L’échec de la cause royale devint un échec pour eux, et ils en souffrirent un surcroît d’oppression. Il semble décidément que cette malheureuse nation soit condamnée et, au début du XVIIIe siècle, l’état de son peuple est aussi misérable que possible.

Il ne subsiste plus rien, en apparence, de cette vie kymrique qui s’était épanouie durant des siècles dans l’asile avancé de Galles. En territoire anglais, vivait sous des lois anglaises, opprimée par la domination de maîtres parlant l’anglais et pratiquant la religion nationale de l’Angleterre, une population ignorante et pauvre, comme oubliée là par le temps, épave désolée de l’histoire. Sans doute, elle se souvenait encore ; mais elle semblait avoir cessé d’espérer. Depuis son intervention en faveur des Stuarts, elle ne s’était pas mêlée aux mouvemens politiques du royaume ; nulle énergie ne se manifestait plus en elle : toutes les sources en avaient été taries. La conquête avait arrêté le développement intellectuel, et, si les landlords, depuis l’avènement de Henri VII, fréquentaient les collèges anglais, si même, beaucoup plus bas, les écoles de grammaire donnaient quelque instruction aux gens des villes, le vrai peuple de Galles mena sa vie obscure au milieu des transformations de la pensée et continua de cultiver ses terres, de garder son bétail, de se marier et de mourir sans rien ressentir, — ou si peu, — des grands mouvemens intellectuels du XVIe et du XVIIe siècle.

La vie religieuse elle-même est endormie. La Réforme n’avait

  1. Augustin Thierry, t. IV, Conclusion, II.