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les cœurs les plus incultes. Ce sont les Frères Moraves qui en ont pris l’initiative au XIXe siècle. Dès 1822, le Frère Leitner et sa femme ouvraient le premier asile de lépreux en Afrique, à Hemel en Aarde (colonie du Cap) ; ensuite, ils en ont ouvert un autre dans la Guyane hollandaise et, depuis 1881, ils ont pris la direction du célèbre asile de Jesus-Hilfe à Jérusalem, fondé une douzaine d’années auparavant par la baronne de Keffenbrink. A Madagascar, Mgr Cazet et les Pères Jésuites ont établi deux léproseries[1] ; la Société des missions de Londres en a également deux, dont l’une a reçu le nom touchant de « Village de l’espérance » (Ambohimiandrosoa), et un cinquième asile est administré par les missionnaires norvégiens. Aux Indes anglaises, où il n’y a pas moins de 119 044 lépreux (recensement de 1891), c’est W. Carey, missionnaire près de Calcutta, qui, après avoir vu brûler vif un lépreux, de peur qu’il ne contaminât ses voisins, conçut le projet d’ouvrir pour eux des asiles (1812).

Dans d’autres provinces de l’Inde, on les enterrait vivans. L’idée de W. Carey fut reprise par les Sociétés de missions allemandes (Mission Gossner), anglaises (Church Mindinary Society) et américaines (Presbytériens et Méthodistes épiscopaux), qui établirent des léproseries successivement à Pouroulia (Bengale), Ambala, Chandag (Himalaya). Depuis 1814, c’est la Société fondée par l’initiative d’un Écossais, M. W. C. Bailey, sous le titre de La mission chez les Lépreux, qui, en groupant tous les efforts en faveur de ces incurables, a décuplé les ressources et multiplié les asiles. Elle en entretient ou subventionne cinquante, dont quarante-deux aux Indes et en Birmanie, six en Chine et deux au Japon. Bien plus, mettant à profit une récente découverte de la médecine, à savoir que la lèpre n’est pas héréditaire, elle a établi quatorze asiles-écoles, pour les enfans de lépreux non contaminés[2].

Mais il faut citer deux héros de ce dévouement aux lépreux. Saint François d’Assise a trouvé un imitateur dans le Père Damien, le consolateur des lépreux, relégués dans l’île Molokai par le gouvernement des îles Hawaï. L’intrépide Picpucien, après les avoir soignés et évangélisés pendant plus de quinze ans, prit la lèpre et mourut après un long martyre. Sa tâche a été reprise,

  1. P. Piolet, Les Missions catholiques, t. V, p. 488.
  2. Voyez les résultats de la Conférence sur la lèpre, tenue à Berlin en octobre 1897, dans Dennis, ouvrage cité, II, p. 433 et suivantes.