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figurera dans quel état pitoyable se trouvent les malades atteints d’affections graves dans ces pays. La plupart succombent ; chez les autres, le mal devient chronique et les malheureux contaminent leur entourage. Ainsi en est-il des ophtalmies en Égypte et en Syrie et de la lèpre en Palestine et en Chine. Quant aux femmes malades, leur situation est pire encore ; car, en vertu du système de réclusion auquel elles sont soumises, aucun médecin ne peut avoir accès jusqu’à elles.

C’est dans ce domaine de l’hygiène et de la médecine que s’est manifesté, de la façon la plus admirable, le génie de la mission chrétienne. Non seulement les évangélistes ont, par leurs avis et par l’exemple de leur propre famille, introduit et propagé les règles de la propreté et de la prophylaxie, mais encore ils ont organisé l’assistance médicale partout où elle faisait défaut[1]. Suivant l’exemple des évêques catholiques et des ordres hospitaliers, au moyen âge, les missionnaires de toute confession, Pères Blancs et missionnaires américains, Filles de la Charité et diaconesses de Kaiserswerth ont fondé à l’envi des hôpitaux, établi des dispensaires, recueilli des vieillards infirmes, qui, naguère, en Afrique, étaient abandonnés à la dent des fauves, ou des enfans trouvés, dont la plupart sont, en Chine, voués à la mort ou à la prostitution. Ils ont prouvé, par-là, le cas que le croyant fait, non pas seulement de la vie du corps, mais de l’âme immortelle qui y est comme enveloppée et doit, à l’école de la douleur et de l’Evangile, développer sa vie divine. Aux missionnaires écossais, américains et allemands revient le mérite d’avoir formé un corps nombreux et bien préparé de doctoresses, d’infirmières et de diaconesses, qui puissent pénétrer dans les harems ou les zenanas et y porter, avec les consolations de l’Évangile, les secours d’un art médical digne de ce nom. il convient de louer ici lady Dufferin, veuve de l’ancien vice-roi des Indes anglaises, qui a créé, en ce pays, les premiers dispensaires pour femmes.

Mais c’est surtout dans les soins donnés aux lépreux que s’est révélé avec éclat l’esprit de sacrifice, dont je ne dirai pas que la foi chrétienne ait le monopole, mais qu’elle sait enflammer dans

  1. On sait que les premiers hôpitaux ont été organisés par les évêques en Orient, sous le nom de nosocomia. Des deux plus anciens en France, celui de Lyon fut fondé par saint Sacerdos et celui de Paris par saint Landry, sous le nom d’Hôtel-Dieu (vers 650).