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Radet, Hannonet, le juge de paix, Guilbert, Bourlois, Coquillard, membres du conseil de la commune, d’autres encore. Toutes les têtes se découvrent, tous les cœurs tremblent d’angoisse, de détente nerveuse, d’attendrissement… l’impression fut unanime, on en retrouve la trace dans tous les récits.

A mi-chemin de la descente, on longeait à droite l’église Saint-Pierre-Saint-Gengoult et on s’enfonçait sous la maison d’école, long bâtiment posé en travers de la rue et formant avec cette église un angle droit. Ce passage couvert s’appelait la Voûte : il servait d’abri les jours de marché aux chaudronniers ambulans. C’est sous cette arcade que la voiture royale avait été arrêtée. La Voûte passée, on trouvait immédiatement à droite l’auberge du Bras d’or où, d’abord, les voyageurs avaient été conduits ; en face, dans la rue de l’Horloge, étroite et tortueuse, le long d’un mur de cimetière, s’échouait la berline dételée, énorme avec sa coupole de bagages[1], et un peu plus bas, à gauche, était l’épicerie Sauce, qui, depuis minuit, abritait la famille royale. Devant la porte, un entassement, une mêlée ; parmi la foule immobilisée, quelques hussards sur leurs chevaux fourbus ; au seuil de la maison vers laquelle toutes les têtes sont levées, deux dragons font sentinelle. La façade, toute en bois, est étroite ; au rez-de-chaussée deux fenêtres, formant vitrine, montrent des paquets de chandelles et des pots de cassonade ; la porte est coupée en deux dans le sens de la hauteur, le bas servant de barrière ; au premier, deux fenêtres encore dont les vitres sont closes[2]. Il est six heures et demie du matin, le soleil déjà haut et ardent fait présager une journée de chaleur.

On entre, Sauce d’abord, dirigeant Romeuf et Bayon ; la

  1. « Je reconnus en passant dans une rue assez étroite la berline qu’on y avait amenée… » Relation de Choiseul.
  2. La maison de Sauce consiste, dit un titre, en un principal corps de logis, donnant sur la rue, composé d’une boutique, cuisine et cave plus bas, chambres au premier étage, greniers au-dessus, couverts de tuile. — On arrivait du rez-de-chaussée au premier étage par un sombre escalier en bois en escargot dont une grosse corde usée et crasseuse formait la rampe. Les deux chambres du premier étage étaient séparées par une sorte de corridor obscur. — En 1845 la rue de la Basse-Cour ayant été élargie, la maison Sauce a perdu sa façade ; le derrière seul de l’immeuble est resté intact. » Mémoires du général Radet, par A. Combier. Pièces justificatives, n° 19. — « Il fallait passer par la boutique pour entrer dans la maison… l’escalier étroit et obscur était situé au fond de la boutique, entre le mur de gauche et la porte de la cuisine. » V. Fournel, l’Événement de Varennes. Fournel et Combier étaient de Varennes et avaient connu la maison Sauce avant la modification de 1845.