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aucun membre de la droite ne s’était présenté. « Je serais très heureux, dit-il, d’enfoncer une porte ouverte. » Il fit du reste comme si elle ne l’était pas, citant Leibnitz (on a beaucoup cité les philosophes dans cette discussion), Leibnitz disant : « La liberté n’est pas due à ceux qui ne veulent s’en servir que pour enseigner à haïr toutes les libertés, » maxime professée et pratiquée par les Jacobins de 1793, qui l’entendaient des libertés à eux : « L’Église s’est mise hors la liberté, parce qu’elle s’est mise hors le droit commun. » Il se déclarait d’ailleurs partisan, défenseur même de la liberté religieuse, et il ajoutait qu’il voterait l’amendement Delpech.

Ce n’était pas non plus un adversaire de M. Delpech, ce fut M. Combes lui-même qui lui succéda à la tribune pour motiver sa déclaration ; et, quand il eut regagné son banc, on eut l’explication du silence de la droite : M. Waldeck-Rousseau demanda la parole.

Tout le monde a lu le discours de M. Waldeck-Rousseau, et l’on n’a pas oublié comment, sans rien répudier de sa loi du 1er juillet 1901, il avait imputé les difficultés, les résistances qu’elle avait rencontrées à l’application qui en avait été faite : La loi nouvelle, avec la modification considérable que l’amendement accepté par le gouvernement y apportait, en soulèverait bien d’autres ! On a lu aussi le discours de M. Clemenceau, disant à M. Waldeck-Rousseau : « Si votre loi était bonne et qu’elle ait été mal appliquée, pourquoi n’avez-vous pas gardé le soin de l’appliquer vous-même ? » Et M. Waldeck-Rousseau n’a pas répondu.

On alla aux voix sur l’amendement. Le mode de votation eut bien son originalité ; c’était un vote à qui perd gagne, fondé sur ce principe qu’on ne vote pas une négation. L’article du gouvernement portait la déclaration qu’il n’appartient pas à une congrégation non autorisée ; l’amendement demandait la suppression des deux mots : non autorisée. Les deux textes avaient donc une partie commune : on la tint pour votée et l’on mit aux voix les deux mots : non autorisée, qui restaient en suspens. Le scrutin donna, pour les deux mots, 136 voix contre 147. Le Sénat ne les avait donc pas adoptés, et l’amendement de M. Delpech triomphait à la majorité de 11 voix. Si M. Waldeck-Rousseau avait répondu à M. Clemenceau, le texte du gouvernement aurait-il conquis les 11 voix qui assuraient la victoire à l’amendement Delpech ? C’est bien possible, mais il ne faut pas perdre de vue ceci : M. Delpech, avec son grand patronage du dehors, avait pour lui non plus seulement M. Clemenceau, mais M. Combes, et la commission était en majorité dans l’esprit de l’amendement.