Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 20.djvu/716

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’est séparé de lui, et que les socialistes qu’on commence à appeler de gouvernement ont suivi M. Jaurès. M. Millerand a résolu le problème difficile de réunir pour une fois les deux frères ennemis, le groupe révolutionnaire avec M. Vaillant et le groupe parlementaire avec M. Jaurès, et d’en former un nouveau bloc contre lequel il est venu se heurter. Le lendemain, quand les journaux ont fait la décomposition du scrutin, ils ont constaté que tous les socialistes avaient voté pour le gouvernement, tous, sauf M. Millerand resté seul de son parti et de son avis. On se demande, dans ces conditions, quelle force il apporterait à un ministère, si on avait bientôt à en constituer un. En somme, nous n’avons en tout cela rien à regretter. M. Millerand n’est pas un adversaire négligeable, et sa rupture avec le ministère affaiblit M. Combes ; d’autre part, sa défaite l’affaiblit lui-même. S’il avait triomphé, la lutte contre les congrégations se serait sans doute un peu ralentie ; mais nous aurions été livrés, au moins pour un temps, à des entreprises sociales qui n’auraient pas présenté un moindre danger. Être délivré de M. Combes par M. Millerand ne saurait s’appeler une délivrance : ce serait passer d’un mal à un autre, et qui sait s’il ne vaut pas mieux subir quelque temps encore le gouvernement discrédité d’aujourd’hui que d’en avoir un autre tout neuf, qui serait pire ? Comment s’intéresser beaucoup au genre d’opposition qu’on dresse depuis quelques jours contre M. Combes, et aux assauts qu’on lui livre ? M. Leygues seul aurait fait œuvre utile, si elle était durable. Quant à M. Millerand, ses réformes sociales n’ont pas le caractère odieux des persécutions religieuses, mais elles ne diviseront guère moins le pays et elles troubleront profondément ses intérêts. Si M. Millerand nous avait débarrassés de M. Combes, nous aurions demandé le lendemain qui nous débarrasserait de M. Millerand. Il y a à la Chambre plus d’un radical qui, sans oser le dire, soutient M. Combes parce que sa politique fait diversion aux prétendues réformes sociales de M. Millerand et les ajourne. Quelquefois même on l’avoue à demi-voix.

Bien qu’il ait triomphé de tant d’attaques, le ministère se rend compte qu’il est atteint dans ses œuvres vives, et que la moindre bourrasque parlementaire lui serait fatale. Aussi un de ses sauveteurs patentés, M. Fernand Rabier, a-t-il eu l’idée ingénieuse de supprimer la suite de la discussion sur l’enseignement congréganiste en condensant eu un seul tous les articles de la loi qui restent à discuter, et à le rédiger à peu près ainsi : Un décret d’administration publique pourvoira à l’application de la présente loi. Cette manière