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redoutables qui pourraient, si on n’y veillait avec une sollicitude éclairée, déchaîner des conflits jusqu’en Occident. Jamais il n’a plus importé à une grande nation d’être fortement unie et de faire disparaître de son sein les moindres germes de division qui pourraient y exister. Tout le monde le voit ; mais il y a un homme, un seul il est vrai, qui a le droit de ne pas le voir, et c’est M. Combes. Il nous a avertis qu’il n’entendait rien à tout cela et ne s’en préoccupait en aucune manière. Demandez-lui de faire la chasse aux frocs et aux cornettes, voilà son affaire ! C’est s’il ne faisait pas cela qu’il faudrait lui reprocher de manquer à ses promesses. Mais, certes, il les remplit fidèlement. On l’a pris pour une certaine besogne et non pas pour une autre. Est-elle terminée ? Non : par conséquent, M. Millerand a tort. S’il a commencé par voter pour M. Combes et pour son programme, qu’il continue. Nous avons le droit, nous autres libéraux, d’éprouver des nausées d’indignation en présence de la politique qu’on nous fait, et en un pareil moment ! Mais puisque M. Millerand l’a approuvée dans son principe, qu’il en subisse les conséquences. Il trouve que c’est trop long, et nous le trouvons aussi ; — oh ! oui, nous trouvons dans cette politique quelque chose de bas, de répugnant, de révoltant, dont la prolongation nous est infiniment pénible et douloureuse ! — mais nous avons, nous, protesté contre elle dès le premier jour. À ce moment, M. Millerand et ses amis nous ont dit que cette politique était bonne, qu’elle était nécessaire, et que, si la coupe nous paraissait amère, il faudrait néanmoins la boire jusqu’au bout, jusqu’à cette lie qui amène maintenant sur leurs propres lèvres une crispation significative. M. Jaurès a été plus logique que M. Millerand ; il a pris la défense de M. Combes ; il a adjuré la majorité de ne pas se débander. Il y avait dans sa parole une émotion dont la Chambre a été frappée. D’où venait-elle ? Elle venait surtout de ce que M. Millerand, son ami d’hier, pour lequel il a tant fait, pour lequel il s’est tant compromis, pour lequel il a livré tant de batailles où il a perdu quelque chose de sa popularité, avait préparé son coup en sourdine et avait négligé de l’en prévenir. Nous convenons que cela n’est pas bien ; mais que nous importe ? C’est affaire entre M. Jaurès et M. Millerand.

Celui-ci ayant manqué son but, que représente-t-il désormais dans une Chambre où il n’a plus personne avec lui ? L’Église socialiste l’avait déjà excommunié ; mais on pouvait croire que, si l’élément révolutionnaire s’était trouvé, peut-être accidentellement, le plus nombreux dans un congrès, l’élément politique et parlementaire du socialisme lui restait du moins fidèle. Il n’en est rien, puisque M. Jaurès