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pas dans une situation meilleure. L’irritation produite par la canule, le travail de la cicatrisation, si la plaie doit guérir, le travail de l’inflammation, si elle doit suppurer, ont la même fâcheuse conséquence sur les qualités ou l’abondance de la sécrétion.

C’est pour cela que Pavlow en 1879 et Heidenhain en 1880, renonçant à pratiquer cette opération temporaire, proposèrent la listule permanente. Cette fois on n’introduit plus de canule de verre ou d’argent dans le conduit de Wirsung. On l’isole seulement, on le saisit et on découpe la portion d’intestin qui entoure son point d’abouchement dans le tube digestif ; on suture ce segment d’intestin découpé aux bords de la plaie abdominale, la muqueuse étant tournée en dehors. L’animal guérit et déverse à l’extérieur la sécrétion qui normalement coulait dans l’intestin : on peut la recueillir et l’étudier.

C’est là une opération assez laborieuse : les chances en sont déjà plus aléatoires. Mais, en les supposant évitées, l’expérimentateur n’est pas encore au bout de ses peines. Il faut empêcher que le suc qui s’écoule continuellement irrite les tissus voisins : il faut, suivant le mot d’un chirurgien, « que l’animal soit soigné comme un malade riche ; » il faut encore lui constituer un régime approprié d’où la viande soit exclue et où n’entrent plus que le pain, le lait, et le bicarbonate de soude, « propice aux estomacs éprouvés. »

Ce n’est point là une opération courante : c’est un travail de longue haleine. Une observation heureuse de Bayliss et Starling, en 1901, permet d’éviter tout ce tracas. Ces physiologistes anglais, imitant ce qui se passe dans la digestion naturelle quand les alimens sortent de l’estomac pour recevoir dans l’intestin le contact du suc pancréatique, ont traité la muqueuse du duodénum par une liqueur acide et ont obtenu un produit remarquable, la sécrétine. Celle-ci, introduite dans les veines d’un animal, provoque une sécrétion abondante du pancréas, en dépit des narcotiques et du choc opératoire. Cette sécrétion recueillie d’une fistule temporaire, ainsi que MM. Dastre et Stassano l’ont constaté, se montre tout à fait équivalente au suc naturel, au suc de fistule permanente. On pouvait donc avoir désormais par l’un ou l’autre procédé, l’un laborieux, l’autre facile, du suc pancréatique pur et en abondance ; et dès lors on a pu observer des faits intéressans qui ont étendu nos connaissances sur le rôle du pancréas et de l’intestin dans la digestion des alimens albuminoïdes.


Après avoir raffiné ainsi pour obtenir du suc pancréatique pur, dans l’attente d’une action plus énergique, on a constaté avec