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beaucoup plus avancés, comme la tyrosine et les autres matériaux fragmentaires, auxquels peut donner naissance la démolition de la molécule d’albumine. Les recherches récentes sur la constitution des albuminoïdes, celles de Kossel en particulier et de ses élèves, ont mieux fait connaître les produits ultimes de la digestion tryptique de l’albumine. Elles ont permis d’établir un rapprochement plus exact entre le mode d’activité de l’agent organique spécial, le ferment trypsine, et les agens chimiques de la protéolyse artificielle, réalisée dans les laboratoires au moyen des acides plus ou moins étendus. Dans les deux cas, il s’agit d’une hydrolyse, c’est-à-dire d’une destruction de la molécule d’albumine par fixation progressive d’eau.


V

La digestion pancréatique de l’albumine avait donné lieu, depuis près de cinquante ans, à un nombre considérable de recherches, commençant à celles de Corvisart en 1854, et nous allons voir cependant qu’un fait essentiel, celui de l’inactivité, de l’inertie propre du suc pancréatique pur, naturel, avait échappé à tous les observateurs jusqu’à Pavlow, et les auteurs que nous avons cités. La raison en a été donnée par Bayliss et Starling : c’est que toutes ces études avaient été faites au moyen du suc de macération et non point avec du suc de fistule, plus rapproché du suc naturel. Les deux physiologistes anglais s’étonnent de cette longue négligence. Mais Pavlow, dans l’introduction de son ouvrage, a répondu à cette remarque, en faisant le tableau de toutes les difficultés auxquelles le physiologiste se heurtait.

Il est très vrai qu’il eût mieux valu opérer avec la sécrétion naturelle, pure, qu’avec la macération du tissu, encore que celle-ci ait sous la plupart des rapports une action identique à celle-là. Il est encore vrai que la manœuvre opératoire de la fistule temporaire est extrêmement simple. Il s’agit d’aller saisir la glande en sa place, d’introduire dans son canal un tube de verre ou d’argent et de refermer la plaie en laissant le tube déverser au dehors le suc glandulaire. Tout cela est facile, en effet. Seulement, dans la plupart des cas, c’est inutile ; il ne se déverse rien. Le pancréas est un organe extrêmement sensible et délicat ; il réagit à la moindre violence : l’emploi d’un narcotique pour endormir l’animal, le retentissement de l’opération, le choc opératoire, troublent le fonctionnement de l’organe au point que sa sécrétion s’altère et se tarit immédiatement. D’autre part, si l’on veut attendre que la réaction opératoire se soit dissipée, on n’est