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puritaines, les Roger Williams et les John Eliot, ce n’est pas sans un mouvement d’orgueil patriotique, que j’ai lu les noms des Champlain et des La Salle, des Pères Hennepin et Marquette[1].

Il y a, au Nord-Ouest de l’Amérique du Nord, une grande terre désolée qui se perd dans les glaces et les frimas du pôle arctique, au point qu’on ne saurait dire si elle forme une île ou si elle se rattache par un isthme au continent. C’est le Groenland, découvert par des navigateurs islandais, puis colonisé par les Norvégiens, qui y embrassèrent le christianisme et fondèrent des églises (983-1000). Or, par suite de la grande peste qui désola le Nord de l’Europe au XIVe siècle et du peu de profit que les rois de Norvège tiraient de cette colonie, toutes relations cessèrent alors avec la mère patrie. Depuis le XVIe siècle, on fit quelques tentatives pour la retrouver, mais en vain. Il était réservé à un modeste pasteur de deux petites paroisses de Norvège de retrouver le chemin du Groenland. Lisant, un soir d’hiver, un livre latin qui avait paru quelques années avant, la Groenlandia antiqua, par Thormodour Torfesen (Copenhague, 1706), où l’auteur avait recueilli tout ce qu’on pouvait trouver de documens sur cette colonie abandonnée et presque oubliée, Hans Egede, pasteur de Waagen et Gimsö, fut ému de pitié, à la pensée que des centaines, peut-être des milliers de ses compatriotes vivaient encore là-bas, dans la misère de l’esclavage et retombés dans le paganisme. Cette pensée l’étreignait comme un remords ; après huit années de démarches infructueuses auprès des marchands de Bergen, il se décida à renoncer à sa cure (1718) et se rendit à Copenhague, pour exposer son projet au roi Frédéric IV. Il réussit à le lui faire agréer, à obtenir une subvention du gouvernement et il partit lui-même, le 3 mai 1721 avec la flottille, qui, au bout d’un voyage pénible de huit semaines, retrouva le Groenland. Hans Egede y fonda la première ville « Godhaab » et y évangélisa les Esquimaux pendant quatorze années. Son œuvre fut continuée par son fils Paul, son petit-fils Egede Saaby et par les Moraves[2].

Dans la dernière connue des parties du monde, en Océanie, les missionnaires catholiques et protestans ont tenté de jeter un

  1. Tout récemment l’État de Wisconsin, qui fut en grande partie exploré par ce dernier, a fait couler en bronze la statue de ce dernier, qui sera placée au Capitule de Washington.
  2. Hans Egede. Description et Histoire générale du Groenland, Copenhague, 1729, in-4o ; trad. française, Genève, 1763, in-8o.