Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 20.djvu/661

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chemin pour aller aux Indes, présenté par Christophe Colomb au Conseil royal de Castillo, fut agréé par Isabelle la Catholique, à condition que les habitans des terres nouvelles, s’il en découvrait, fussent agrégés à l’Eglise. Et Alexandre VI, dans la bulle du 3 mai 1493 par laquelle il traça la ligne de démarcation entre les possessions espagnoles et portugaises du Nouveau Monde, imposa formellement aux deux rois de la Péninsule le devoir d’y faire prêcher l’Évangile. On ne s’étonnera donc pas de voir les missionnaires catholiques, dans le nouveau comme dans l’ancien monde, s’avancer sur les traces des marins, des soldats et des colons espagnols et portugais.

Et pourtant la plus ancienne relation qu’on ait sur l’Amérique du Sud est d’un ministre protestant.

Voici comment cela s’explique. L’amiral Coligny encouragea l’expédition de Villegagnon, qui avait offert de conduire au Brésil une troupe de colons huguenots, dans l’espoir de leur procurer un asile, où ils pourraient exercer leur culte en sûreté (1555). Ce furent ces émigrans, pour cause de liberté de conscience, qui arborèrent les premiers le drapeau de la France sur la terre d’Amérique, et l’île Coligny, où ils avaient bâti un fort à l’embouchure du Rio de Janeiro et qui subsiste encore, est le monument de cet essai de colonisation. Dès l’année suivante, ils adressèrent à l’amiral et à l’église de Genève des lettres demandant « des ministres et de pieux laïques pour prêcher l’Evangile à eux-mêmes et aux Indiens. » En réponse à cette demande, un deuxième convoi d’une vingtaine d’émigrans partit en septembre 1556 pour le Brésil, conduit par Ph. de Corguilleray, seigneur du Pont, et emmenant un ministre de vingt-deux ans, le sieur De Léry. Malheureusement, la discorde se mit dans la colonie naissante et le jeune pasteur, après mille tribulations, dut revenir en France au bout de trois ans. Du moins, son voyage ne fut pas stérile au point de vue géographique et il a consigné ses observations, aussi exactes que naïves, sur les « mœurs et façons de vivre estranges des sauvages brésiliens et sur plusieurs animaux, poissons difformes, arbres, herbes, etc., » dans un livre intitulé : Histoire d’un voyage fait en la terre du Brésil, dite Amérique (La Rochelle, 1578).

Cependant le Brésil, le Pérou, le Mexique se couvraient de villes et devenaient des colonies florissantes, sous l’impulsion des souverains de la Péninsule. Mais, au fur et à mesure que les