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un pape et un roi de France, préoccupés de refouler les Turcs Seldjoucides, cette nouvelle marée montante de barbares qui menaçaient de submerger l’Europe, imaginèrent, pour cela, de leur susciter des adversaires en Asie même ; et ils jetèrent les yeux sur les Mongols, dont la renommée terrible était parvenue jusqu’à eux. Or qui pouvait-on envoyer comme négociateurs dans ces régions lointaines et enveloppées de mystère ? Qui serait assez hardi pour entrer en rapport avec ces Khans, qui après chaque bataille ne faisaient point de quartier aux vaincus et élevaient, eu mémoire de leur victoire, une pyramide de têtes humaines ? Des moines seuls auraient assez d’abnégation pour risquer leur vie à pareille entreprise. Ce furent des Franciscains, conduits par Fr. Laurent de Portugal, et des Dominicains, sous la direction de frère Ascelin, qui se chargèrent de cette mission périlleuse. Deux d’entre eux, Giovanni del Pian Carpino (Du Plan Carpin) et Guillaume Rubruquis ont écrit de curieuses relations de leur voyage à la résidence du Grand Khan[1], qu’ils effectuèrent entre les années 1245 et 1254. Au siècle suivant un autre franciscain, Giovanni di Monte Corvino (1328), se rendant à cette même capitale, traversa la Perse et l’Inde, pour y parvenir. Il eut des successeurs et ce sont ces humbles disciples de saint François et de saint Dominique qui, par leurs récits et informations, ont frayé la voie à toutes les explorations ultérieures de l’Asie centrale au XIXe siècle. Ce sont des Lazaristes, qui se sont illustrés par les voyages les plus hardis et les plus fructueux pour la géographie et l’ethnographie[2]. Qui ne connaît les ouvrages devenus classiques du P. Huc (en 1862), sur la Tartarie, le Thibet et la Chine ? Il a trouvé des émules dignes de lui dans le P. Armand David, un confrère, qui a fait et raconté trois voyages faits au Nord, à l’Ouest et au Centre de la Chine (1864-1876) dont les renseignemens ont permis de rectifier les cartes de ces régions ? Enfin, le P. Constant de Deken, missionnaire belge, fut le compagnon de M. Bonvalot dans sa mémorable traversée du plateau central et a écrit de son voyage une relation instructive (1894). Les succès obtenus par le Père Ricci (1582-1610) et les missionnaires jésuites en Chine attirèrent sur ce pays l’attention de Louis XIV, qui y envoya une mission française, composée des Pères Bouvet,

  1. Bergerac. Relation des voyages en Tartarie, par Rubruquis, Du Plan Carpin. Paris. 1634. n° 120.
  2. Mémoires de la Société de Géographie de Paris, tome IV, 1839.