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besoin d’expansion, du même sentiment de solidarité humaine, dont les apôtres primitifs étaient animés, que les missionnaires modernes vont prêcher la « bonne nouvelle » aux quatre coins du globe. Bien plus, par l’instruction religieuse, qu’ils donnent aux peuples sauvages ou à demi civilisés, ils trempent les ressorts de leur vie morale et préparent l’avènement d’une humanité meilleure, plus laborieuse et plus pacifique. Le jour où il n’y aurait plus de missions étrangères, les Eglises seraient bien malades. Rien, en effet, ne sert d’aliment plus tonique à la piété, rien ne stimule plus le zèle souvent refroidi des fidèles de la mère patrie, que les récits ou les rapports des missionnaires racontant les vertus, parfois les actions héroïques des néophytes payens. Qu’on se rappelle l’enthousiasme que les Lettres édifiantes et curieuses des Missions étrangères inspiraient aux catholiques français du XVIIIe siècle. Qu’on se souvienne que les « prêtres de la Mission » furent institués par saint Vincent de Paul pour prêcher dans nos campagnes de l’Est, désolées par la guerre, et que c’est par un développement naturel que l’œuvre des Lazaristes s’est étendue aux colonies françaises.

Or, on pourra discuter longtemps sur des questions de principe ; ce qui est indiscutable, ce sont les faits. Il nous a donc semblé que la meilleure apologie à opposer à ces accusations était de présenter les œuvres de la Mission étrangère. On reconnaît un arbre à ses fruits. Si les effets de l’apostolat sont bons et salutaires, on sera bien obligé de lui accorder quelque vertu. Sans doute aux yeux du croyant, pour qui toute âme humaine, fût-ce celle d’un Papou, a une valeur infinie, les effets moraux et religieux sont la chose essentielle et nous n’aurons garde de les passer sous silence. Mais, pour écarter tout soupçon d’intérêt de clocher, nous nous placerons ici au point de vue de la science et de la civilisation. Nous passerons d’abord en revue les services rendus par les missionnaires à la géographie, à la météorologie et à la linguistique. Ensuite, nous montrerons en quoi ils ont contribué au développement du caractère moral, des vertus de la famille et de l’adoucissement des mœurs, pour examiner, en terminant, si les missions n’ont pas, dans une large mesure, travaillé à l’affermissement et au prestige de notre empire colonial.