Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 20.djvu/651

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

due pour le pillage de leurs maisons, à de vrais actes de brigandage dans les villages Chinois et d’avoir abusé du concours de nos troupes pour exercer des représailles sanglantes sur des payens innocens[1].

Mais ce n’est pas seulement dans le camp des libres penseurs que les Missions ont des détracteurs, et elles en rencontrent de sérieux parmi les croyans de différente confession. Ceux-ci leur reprochent de tarir, au profit de l’ « Apostolat des Gentils, » les sources de la libéralité des fidèles, en d’autres termes, de dépenser en faveur d’inconnus, de sauvages plus ou moins réfractaires à toute civilisation, des énergies et des ressources, qui pourraient être mieux employées à secourir nos compatriotes, victimes de la misère, et à éduquer ceux qu’on appelle assez dédaigneusement les « payens de l’intérieur. »

Il serait facile de réfuter ces accusations, parties de points si éloignés de l’horizon politique et religieux. Quant aux premiers griefs, Mgr Favier, le vaillant évêque de Pékin, a réduit à leur juste valeur ces imputations, si excessives qu’elles ressemblaient à de la calomnie. J’ajouterai, aux argumens qu’il a fait valoir, celui-ci : que les missionnaires catholiques ne sont pas les seuls Européens ayant été en contact avec les Chinois et qu’ils avaient même évangélisé la Chine depuis trois siècles, sans avoir provoqué aucun trouble. Mais, depuis que l’intérieur de cet empire a été ouvert aux étrangers, une foule de traitans et d’industriels de toute sorte y ont pénétré, qui se sont trouvés souvent en conflit d’intérêt et, chose plus grave, qui ont froissé les sentimens les plus légitimes des Chinois. Si tous les missionnaires ne sont pas des saints, il s’en faut de beaucoup que tous les coloniaux soient des anges. Donc, en bonne justice, il faudrait partager entre eux la responsabilité des troubles et examiner, dans chaque espèce, les griefs des indigènes, avant de condamner toute une corporation.

Aux adversaires croyans, on pourrait dire que la Mission étrangère, dans toute église animée d’une vie religieuse intense, est loin de nuire à la Mission intérieure. Ce sont les deux fonctions essentielles, corrélatives d’une foi vivante et expansive. Sans l’initiative de saint Paul, le christianisme serait resté confiné en Judée, à l’état de secte juive. Et c’est en vertu du même

  1. Voyez au Journal officiel, la séance du 25 novembre 1901 à la Chambre des députés.