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dirige le mouvement d’une pince qui va, comme une main humaine, chercher elle-même la couleur de la laine demandée dans une sorte de panier à ouvrage, consistant en des tubes circulairement rangés.

La pince se déroule au bout d’un ruban d’acier, saisit le fil, le pose en travers de la chaîne ; un battement du métier croise sur lui cette chaîne, pendant qu’une trame de jute glisse par dessous et complète le liage. La pince, qui s’est enroulée, s’élance de nouveau en quête d’une autre couleur de laine et, à mesure que le travail progresse, ce tissu éphémère, à peine créé, est par la machine elle-même déchiqueté dans le sens de sa longueur et divisé en 200 chenilles, où les brins de laine pendent attachés à leur fil de chaîne. Ces brins sont d’autant plus longs que les fils de chaîne étaient plus ou moins écartés l’un de l’autre, sur le métier ; c’est ainsi que l’on règle la hauteur de laine de la future carpette. Il suffit ensuite de classer ces 200 chapelets de points et de les répartir entre 200 tapis où ils formeront chacun une ligne.

Tout autre, et beaucoup plus simple, est le procédé d’ « impression sur chaîne. » Il offre cependant, avec celui qui précède, cette analogie : que l’on y prépare, par grands lots, des fils que l’on divise après entre 1 000 tapis semblables. Sur des douzaines de tambours, de 1m, 50 de diamètre, sont enroulés comme sur des bobines ces fils de laine blanche prêts à être teints. Je viens de voir retirer, de dessus l’un d’eux, des écheveaux étalés qui ressemblent à certaines étoffes algériennes, rayés, comme ils sont, de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. Ces tranches bleues, rouges ou vertes qui se suivent sont, les unes, de simples hachures, les autres de larges bandes ; et ce striage, que nous pourrions croire fantaisiste, est le résultat d’une combinaison approfondie.

Ce millier de fils, — il y en a 1 000, tous pareillement bigarrés, — ne sont autre chose qu’une portion infime de 1 000 féroces tigres du Bengale, accroupis dans la jungle, qui figureront sur 1 000 tapis de foyer à vingt-cinq sous la pièce. Ceux que l’on enlève ici appartiennent au dos de ce fauve et portent le numéro 105. Pour un tapis de 0m, 70 de large, il faut une chaîne de 200 fils, éloignés par conséquent l’un de l’autre de 3 millimètres ; et, pour obtenir une longueur de tapis de 1m, 50 en moquette bouclée, il faut tisser 4m, 50 de fil ; les deux tiers de la longueur