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qu’en Perse, — sauf pour quelques tapis en poil de chèvre, lustrés et soyeux — parce que le point est beaucoup plus gros. Il comporte en moyenne deux nouemens au centimètre, de 16 000 à 21 000 nœuds de laine par mètre carré.

Dans le tapis persan, bien plus serré, même en qualité ordinaire, il se trouve 100 000 points au mètre carré, et il faut 300 heures pour nouer ces 100 000 points. Pour les « tapis de prière, » en poil de chameau, pour les très rares surtout, plus souples que la soie, faits en « kurk, » toison d’hiver et fin duvet qui se trouve au ras de la peau des brebis, la subtilité du travail devient incroyable. Certains d’entre eux ont jusqu’à 100 nœuds au centimètre. Le plus curieux est qu’en Perse, dans les demeures aisées, se trouvent bon nombre de tapis européens, de qualité, de dessin très inférieurs, et fort peu de produits du pays.

Qu’ils proviennent des campemens de tisserands nomades, comme les Afschars et les Shahsevans, ou des sédentaires du Kourdistan et de Méched qui tissent dans leurs maisons en hiver, dans leurs cours en été, le tapis, exécuté sur commande et soigné ou commun et fait d’avance, — fermaïshi ou maoudjoudi, — n’exige d’autres outils qu’un peigne, le shaneh, une paire de ciseaux et un couteau. Quatre femmes en ligne, les jeunes au milieu, les plus expérimentées aux deux bouts, sont assises devant le métier sur une échelle que l’on élève au fur et à mesure de l’avancement de l’ouvrage. Quand le tissage approche du plafond, on descend l’échelle, on déroule une seconde hauteur de chaîne et l’on continue. La province d’Irak, où sont éparpillés 5 000 métiers, produit annuellement 4 000 tapis pour l’Europe ; en France, la principale manufacture de moquettes fabrique à elle seule 5 000 mètres de tapis par jour.

Les ouvrières nomades du Kourdistan inventent et varient le dessin d’année en année, selon leur plaisir. En général, le modèle est reproduit sur un papier à carreaux, dont chaque carré représente un nœud, puis découpé en petits morceaux et distribué aux tisseuses ; à moins que celles-ci ne soient placées sous la surveillance d’un « kalifeh » homme, liseur du dessin, appelant : un rouge, trois bleus, deux blancs, comme pour nos anciens métiers à la tire. Il ne manquait pas de tisserands, dépensiers ou de mauvaise foi, qui vendaient les modèles en réduction, — les « Vagireh, » — à eux confiés au moment de la signature de leurs contrats ; depuis quelque temps, le gouvernement persan est