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naphtaline ; un ponceau, dont le premier kilogramme revint à 180 francs et coûte maintenant 1 fr. 85 ; une « rhodanine, » qui valut d’abord 45 francs et se vend aujourd’hui 4 fr. 50. Ces nouveaux colorans n’ont rien de commun avec les fuchsines ou anilines, obtenues à l’origine et désormais condamnées. Ils sont, au dire de plusieurs savans, d’une durée non seulement égale, mais supérieure même aux teintures végétales ; et leur mérite est si évident que, dans l’Inde, sa patrie, la culture de l’indigo diminue et cède la place à celle du coton.

L’Orient semble fidèle pourtant jusqu’à ce jour à ses colorans traditionnels dans la fabrication des tapis et, malheureusement, lorsqu’il utilise des substances minérales qui lui arrivent en boîtes, munies d’étiquettes européennes, ce ne sont pas toujours les meilleures ; parce qu’il faut être très renseigné pour distinguer, par exemple, la bonne « rocceline » de la mauvaise. Ce n’est pas du reste par économie ni pour simplifier la manipulation que les Turcs rehaussent et avivent, avec ces teintures d’importation, leurs couleurs matrices. C’est pour plaire au goût de l’Occident, qui demande des dessins compliqués, des nuances brillantes, des variations de riche coloris.

Les élémens ordinaires des fabricans de Smyrne et d’Alep sont, pour le gris et le noir, les fruits du chêne velani, ou noix de galle. D’Anatolie leur vient la garance, ou « lizari, » mélangée depuis 1840 à la cochenille. Quoiqu’ils emploient les mêmes mordans que nous : sulfate de fer et alun pour les bruns, acide sulfurique pour les indigos, nitrate d’étain pour les rouges, quelques laines indiennes, mal corrodées, ne prennent pas bien la teinture et se mangent aux vers.

Les bois rouges ou jaunes, le campêche ou le catéchu, — quoique ce dernier soit originaire du Levant et très prisé en Europe, — sont inconnus des Asiatiques. Ceux-ci, en revanche, ont force végétaux que nous ignorons ; la baie jaune de nerprum, qu’ils tirent de Kaisarijeh, — Caramanie, — la racine chinoise de curcuma, qui, seule, pâlirait assez vite, mais est excellente dans les combinaisons. Les teinturiers persans ont, comme les nôtres, leurs secrets de métier religieusement gardés : tel est l’art de faire du rouge avec la laque des Indes, le kermès et le tartre du vin ; ou le vert de mer avec un mélange de limaille de fer, de lait caillé, de vinaigre ou de jus de raisin amer. Ils obtiennent, de la pelure de grenade, les tons crèmes et les tons