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J’ai écrit comme hors-d’œuvre une petite brochure[1] que je vous enverrai. Je vous renouvelle, mon cher colonel, l’assurance de ma sincère et inaltérable amitié.

P. -S. — Quoique vous ayez dit le contraire, je croirais que les canons de Charles le Téméraire lançaient des boulets de plomb. C’est au moins plus conforme aux habitudes d’alors. »


Comme on le voit, l’ex-capitaine d’artillerie ne partage pas toujours les opinions de son ancien maître. Une lettre du 1er décembre 1814 nous en apporte une nouvelle preuve.


« Mon ouvrage avance, écrit-il, mais lentement, parce que, plus je vais, et plus mon plan s’agrandit. J’ai été obligé de traiter tant soit peu des machines usitées au moyen âge, et je vous avoue que je ne suis pas de votre avis. Je ne crois pas qu’au moyen âge il y ait eu une seule machine ayant pour moteur la torsion des cordes. Les anciens noms usités chez les Romains existaient, il est vrai, mais on les appliquait aux trébuchets. Ainsi Collado donne le dessin d’un trébuchet et l’appelle batiste. Cependant, j’ai besoin de lire encore plusieurs ouvrages avant d’être convaincu de ce que je vous dis.

Je suis heureux qu’il n’y ait pas eu d’amnistie, et je ne veux pas de ce que vous appelez très honnêtement la clémence royale. Conneau est amnistié, mais il a demandé à rester en prison ; il me charge de vous dire bien des choses. »

Le 7 janvier 1845, le prince revient sur cette question des batistes pour la discuter à fond.


« J’ai reçu, dit-il, votre lettre du 28 décembre, le 1er janvier de cette année au matin, en sorte que vous avez été la première personne qui m’ait souhaité la bonne année. J’espère et je veux croire que ces vœux, provenant d’un de mes plus chers amis, me porteront bonheur.

Je suis toujours très occupé de mon ouvrage, dont la première livraison paraîtra dans six semaines ou deux mois. La note que vous m’envoyez ne fait que me convaincre davantage qu’il n’y avait pas de balistes au moyen âge. Et permettez-moi de vous le dire, vous êtes tombé dans la même erreur qu’ont commise une foule d’écrivains en traduisant les mots latins ballista et

  1. Sur l’extinction du paupérisme. Ce petit ouvrage eut trois éditions successives et fut traduit dans plusieurs langues.