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comme épigraphe les paroles suivantes : « Ce ne sont pas seulement les cendres, mais aussi les idées de l’Empereur qu’il faut ramener. » Il crut le moment venu de hâter lui-même à son profit la résurrection de l’épopée impériale. De là l’entreprise de Boulogne, qui échoua comme celle de Strasbourg. Louis-Napoléon, fait prisonnier, eut à comparaître devant la Chambre des pairs, constituée en Cour de justice. Le 4 octobre 1840, il écrivait, de la prison du Luxembourg, à son ancien maître :


« Comment vous exprimer toute ma reconnaissance pour l’amitié que vous m’avez témoignée dernièrement et dont j’ai apprécié toute la cordialité, par la lettre que vous avez écrite à, mon avocat[1] ? Je ne vous dirai pas tout ce que j’ai souffert du nouvel échec que j’ai reçu ; mais, heureusement, le procès m’a relevé et, au total, la défaite s’est changée en victoire, au moins pour le parti et la cause que je représente. J’attends l’arrêt du jugement ; voilà trois jours qu’on délibère sans pouvoir s’entendre. On y a gagné qu’il n’y aurait pour personne de peine infamante. Il paraît qu’on me détiendra dans une forteresse… »


C’est en effet du fort de Ham que sont datées les lettres qui suivent. La première est du 20 décembre 1840.


« Je suis bien coupable, dit-il, de ne pas vous avoir écrit depuis que je suis à la citadelle de Ham, car j’ai reçu toutes les lettres que vous m’avez envoyées, et elles m’ont fait bien plaisir. J’ai été bien touché des expressions si tendres et si sincères de votre amitié pour moi. J’ai toujours tardé à vous répondre, parce que je n’aime pas écrire à un ami pour ne lui rien dire ; et, d’un autre côté, toutes mes lettres étant lues, je ne puis guère vous ouvrir mon cœur et vous dire ce qui s’y passe.

Vous savez que le général Montholon et Conneau sont avec moi. Je suis bien heureux d’avoir leur société. Nous nous promenons sur un bastion, et je m’occupe le reste de la journée, ce qui me fait passer le temps assez vite.

Vous aurez vu, par les journaux, les détails de la cérémonie du 15 décembre. Je vous assure que le gouvernement avait bien peur, si j’en juge par toutes les précautions qu’il avait fait

  1. Dufour avait fait de nombreuses démarches, soit auprès de Berryer, soit auprès de divers membres influens de la Chambre des pairs, pour obtenir que la sentence ne fût pas trop rigoureuse.