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un monarque héréditaire ! Cela offre matière à de graves réflexions. »


L’exilé termine sa lettre sur une note un peu mélancolique :


« Je retournerai probablement cet automne en Angleterre, car, ici, on est trop loin de tout ce qui vous est cher. Adieu, mon cher colonel. J’accepte votre augure : peut-être le sort se lassera-t-il de poursuivre toujours ma famille ! Mais je vous avouerai que, renfermé depuis vingt et un ans sous le ciel sombre du malheur, je commence à douter que le soleil perce enfin la nue et me montre son éclat ! »


Quelques mois plus tard, le prince était de retour à Arenenberg et la reine Hortense expirait dans ses bras. Louis-Napoléon eût désiré vivre désormais en Suisse, mais le gouvernement français exigea son expulsion. On sait comment ces incidens faillirent amener la guerre et comment, pour éviter des troubles à son pays d’adoption, le prétendant quitta de son plein gré le territoire suisse.

Au moment de partir, le 14 octobre 1838, il trace à la hâte ces lignes adressées au colonel Dufour :


« Je pars dans une heure ; ainsi, quand vous recevrez cette lettre je serai déjà à Mannheim. Je désire de tout mon cœur que mon départ fasse cesser les difficultés… Votre lettre m’a fait grand plaisir, et je vous remercie encore de toute l’amitié que vous m’avez toujours témoignée dans les momens difficiles. Comme je serais heureux de vous voir en Angleterre ! J’aurais, d’un côté, voulu partir plus tôt, afin de faire cesser les mouvemens de troupes ; mais, d’un autre, j’aurais voulu recevoir la réponse de la France avant mon départ. »


Louis-Napoléon se retira en Angleterre, chez « ces froids insulaires » qu’il avait tant dédaignés autrefois, et qui pourtant lui offrirent une cordiale hospitalité. Voici ce qu’il écrivait à Dufour, le 23 janvier 1839 :


« J’ai reçu les deux lettres que vous m’aviez écrites depuis mon départ de la Suisse ; si je ne vous ai pas répondu plus tôt, n’en accusez pas mon cœur, il ne saurait changer à votre égard.

Vous avez vu par les journaux que, lors de mon voyage, j’ai reçu partout sur le Rhin des marques non équivoques de sympathie. Je suis resté peu de jours à Londres et je me suis