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s’adressèrent au jeune prince. Mais le gouvernement romain s’empressa de le faire conduire à la frontière. Il se rendit à Florence, d’où il écrivit à Dufour, le 32 décembre 1830 :


« Vous apprendrez peut-être avec étonnement que le gouvernement romain a eu peur de moi et qu’il m’a exilé de Rome. Je suis ici auprès de mon père et de mon frère depuis dix jours. »


Sur ces entrefaites, le fils aîné du roi Louis fut emporté en quelques jours par la rougeole. Peu de temps après, la reine, avec le fils qui lui restait, partait secrètement pour Paris ; mais elle ne put y rester longtemps et reçut bientôt l’ordre de quitter la France. Elle alla faire un court séjour en Angleterre ; et c’est de Londres que, le 7 juillet 1831, le prince écrivait à Dufour, qui lui avait exprimé sa sympathie à l’occasion de la mort de son frère :


« J’ai reçu hier votre lettre. Jamais marque d’intérêt ne m’a été plus sensible, et jamais je n’en ai eu plus besoin qu’actuellement. Ah ! si vous aviez connu mon frère, vous comprendriez combien je dois être inconsolable ; mais permettez-moi de passer sous silence les détails d’une époque dont les souvenirs me sont si cruels qu’ils absorbent en moi tout autre sentiment. Il faut que je tâche de me consoler en pensant aux amis qui me restent, et je vous assure que, dans mon cœur, vous êtes bien au premier rang. Je serais bien heureux de vous revoir, de causer avec vous, de vous dire combien je compte sur votre amitié. Nous allons bientôt partir pour la Suisse ; ainsi j’espère avoir le plaisir de vous voir. »


Et le prince termine par ces lignes pleines d’une emphase juvénile :


« L’avenir est encore bien gros d’événemens ; mais, n’importe ce qu’il arrive, on me verra toujours dans le chemin de l’honneur, car je n’oublierai jamais que je suis Français et neveu du grand homme ! »


Le 19 septembre de la même année, revenu à Arenenberg, Louis-Napoléon adresse à Dufour la lettre suivante, où se manifeste ardemment sa sympathie pour la malheureuse Pologne :


« Je vous aurais écrit plus tôt, si, depuis quelque temps, je n’étais un peu malade. Nous voici donc de retour en Suisse. Quand je me retrouve à la même place où j’étais il y a un an, je