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« Je ne veux pas, dit-il, partir de la Suisse sans vous écrire pour vous exprimer encore toute l’amitié que je vous porte et toute la reconnaissance que m’ont fait éprouver vos bons soins pour moi. Nous avons pensé souvent à vous depuis votre départ et nous avons bien regretté que votre séjour ait été si court.

Nous partons le 14 pour l’Italie. J’aurais bien désiré avoir encore ici de vos nouvelles, mais je conçois facilement que vos occupations vous aient empêché de m’en donner. Dieu sait quand je vous reverrai ! L’avenir est gros d’événemens, et je ne puis encore prévoir quelle sera la carrière qui s’ouvrira devant moi. Mais ce qu’il y a de sûr, c’est que je n’en suivrai qu’une honorable ; et, soit dans ma patrie, soit dans des pays étrangers, mon but constant sera de mériter l’estime de mes semblables et de me rendre digne du beau nom que je porte.

Chaque jour qui s’écoule me fait regretter de plus en plus de n’avoir pas été élevé et instruit par vous : je serais bien plus à la hauteur des événemens. J’ai un grand amour pour tout ce qui est beau et généreux ; j’ai un grand désir de bien faire. Mais cela ne suffit pas ; il faut de grandes connaissances, et celles-là, je les aurais acquises avec vous. »

Nous avons de France d’assez bonnes nouvelles ; notre seule politique est de ne pas faire parler de nous publiquement. »


Le départ annoncé pour le 14 octobre dut être différé de quelques jours, et c’est encore d’Arenenberg que, le 15, Louis-Napoléon remercie Dufour de s’être associé aux démarches faites pour permettre aux exilés de rentrer en France.


« Vous êtes bien bon, écrit-il, de penser à moi et de me parler de votre amitié. Ah ! quand on a des amis comme vous, on ne peut plus regretter les grandeurs ! car, sur le trône, on n’a pas d’amis ! Vous avez aussi voulu contribuer à faire révoquer l’injuste arrêt qui nous exile ; je vous en remercie, mais je crains que tout le monde n’y échoue. Qui croirait qu’une nation ou plutôt un gouvernement qui peut disposer de trente-deux millions de Français ait peur des Anglais, et que les froids insulaires commandent à la France de laisser dans l’exil les parens de celui qui a tant fait pour elle ? »


On sait comment Louis-Napoléon se trouva mêlé aux mouvemens révolutionnaires qui agitèrent la Romagne en 1830. Les insurgés, qui, avant tout, sentaient la nécessité d’avoir un chef capable à leur tête