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Mozart : à moins de supposer que, par eux, il ait ressenti l’influence de ce sang souabe qui a donné à l’Allemagne quelques-uns de ses poètes les plus mélodieux[1]. La vérité est même que, de son père, il ne tenait absolument rien : si l’on omet un certain nombre d’idées, de sentimens, de menues habitudes, que l’éducation paternelle ne pouvait manquer de déposer en lui, il n’y a pas un trait du caractère de Léopold Mozart (ni de celui de sa sœur Marianne, image vivante du père) qui se retrouve chez lui. A sa mère, en revanche, il a dû beaucoup ; il lui a dû sa gaîté, sa rêverie, son perpétuel état d’enthousiasme, peut-être aussi le germe de sa poésie. Et bien davantage encore il a dû à Salzbourg, sa ville natale, au flot léger de musique dont elle était baignée, à cette atmosphère limpide de grâce et de douceur que, depuis des siècles, on y respirait. Pour différens qu’aient été ses rêves de ceux qui amusaient le cœur indolent et facile de ses compatriotes, c’est dans la langue musicale de Salzbourg que, toute sa vie, il les a exprimés. Mais, quand on a établi ces filiations diverses, le mystère n’en subsiste pas moins tout entier. On continue toujours à se demander d’où a pu venir à Wolfgang Mozart le singulier pouvoir qu’il a eu, dès l’enfance, de saisir la signification profonde de la musique, et, à mesure que les genres et les styles de son temps lui étaient révélés, de les transfigurer aussitôt en les animant d’une beauté plus parfaite. Son biographe Otto Jahn lui-même, homme éminemment positif, le type du philologue allemand, laisse voir à chaque page sa stupéfaction de la « maturité, » de la « sûreté, » de « l’infaillible perfection » des premières œuvres de l’enfant-prodige. Le génie ! dira-t-on : oui, mais, soit qu’on l’attribue à une Providence ou à un enchaînement continu de hasards, quel mystère, en vérité, quel miracle c’est là !


Léopold Mozart, lui, était absolument convaincu du caractère surnaturel des dons qu’il découvrait chez son fils. Et, avec son goût ordinaire pour les grands projets savamment combinés, il avait aussitôt fondé sur cette conviction un double plan de

  1. Il y avait eu à Augsbourg, au début du XVIIe siècle, un assez bon peintre nommé Antoine Mozart : mais il ne figurait sûrement pas, en tout cas, parmi les ascendans directs de Léopold Mozart. J’ai trouvé, par hasard, un curieux dessin de ce maître, avec l’inscription autographe : Anthoni Mosshart zu Augspurg, 1610. Le nom primitif de la famille doit donc avoir été « Mosshart. »