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28 décembre, c’était la chapelle des enfans de chœur qui venait chanter, durant tout le dîner, en commémoration des Saints-Innocens. Et lorsque l’archevêque voyageait, lorsqu’il allait chasser ou se reposer dans un de ses châteaux, à Hellbrunn, à Clessheim, à Tittmoning, lorsqu’il se rendait en visite à Munich ou à Vienne, rarement il manquait à emmener quelques-uns de ses trompettes et de ses musiciens. Quant aux familles princières, — particulièrement nombreuses dans une ville où chaque nouvel archevêque avait soin de mander et d’installer ses parens, — aucune, en vérité, n’entretenait dans sa maison de ville une « chapelle » à demeure, comme faisaient à Vienne les Hildburghausen et les Esterhazy, mais sans cesse chacune d’elles, les Firmian, les Zeil, les Arco, les deux dynasties des Lodron, organisaient des séances musicales, des « académies, » des « musiques de table, » avec le concours d’artistes locaux ou étrangers. Et il n’y avait pas dans Salzbourg une maison, riche ni pauvre, depuis le palais du prince-archevêque jusqu’aux arrière-boutiques des marchands de la Rue-aux-Grains, où la musique ne fût l’amusement, le repos, la consolation de toute la vie. Partout on pouvait être assuré de trouver, dans le coin préféré de la « chambre habitée, » un clavecin, une épinette, une positive, ne fût-ce qu’une cithare, un ou plusieurs de ces instrumens de toute forme et de toute nature qui remplissent aujourd’hui la plus grande salle, et l’une des plus riches, du délicieux musée de Salzbourg. Qu’on les voie réunis là, muets désormais pour la plupart, mais si propres, si intacts, conservés avec un soin si pieux à travers deux siècles bientôt ! Aucun d’eux n’est un instrument de luxe, sauf peut-être un charmant petit virginal avec un paysage peint au-dessus des touches : mais d’autant plus ils évoquent pour nous toute l’existence familière dont ils ont été confidens ou témoins ; d’autant plus ils nous gardent un écho de l’âme de leurs anciens maîtres, qui fut simple, bourgeoise, et honnête comme eux.

Musique à l’Université, où les bénédictins avaient, eux aussi, un théâtre, et où toutes les cérémonies scolaires s’accompagnaient d’intermèdes chantés. Musique dans les débits de vin et les brasseries, au Vaisseau Doré, à l’Éléphant Noir, à l’Etoile d’Or. Musique à l’intérieur, ou, — si la pluie daignait s’arrêter quelque temps, — devant les fenêtres, de la « Caffeterie » que venait d’ouvrir (1753), sur la Place du Marché, Andréas Steiger, suivant la