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celui que nous leur donnons, — s’il est vrai que l’État n’a à connaître des congrégations que lorsqu’elles lui demandent l’autorisation, l’État attendra longtemps. Il attendra jusqu’au jour où il mettra lui-même les congrégations dans l’alternative de solliciter l’autorisation devenue obligatoire ou de se dissoudre. Il faut donc restituer à l’autorisation son caractère propre ; elle est une garantie pour l’État, et nous n’en contestons nullement la légitimité. Mais, cette fois encore, on sait ce qui est arrivé et avec quelle rapidité on s’est éloigné de la loi de 1901.

Il y a dans le discours de M. le président du Conseil un passage dont il n’a pas semblé apercevoir lui-même l’ironie, tant elle est forte. M. le président du Conseil a jugé à propos d’énumérer devant la Chambre les étapes successivement parcourues depuis le vote de la loi primitive, et lorsqu’il en est venu à l’application de cette loi aux congrégations qui n’avaient pas demandé à être autorisées : « Notre étonnement a redoublé, a-t-il dit, quand nous avons dû sévir contre ces établissemens, au nombre de 3 000, qui s’étaient opiniâtrement refusés à régulariser leur situation et à nous faire parvenir, comme la loi les y obligeait, les demandes d’autorisation. » Rien que la mort n’était capable d’expier une telle opiniâtreté ! Les congrégations récalcitrantes s’étaient mises évidemment dans leur tort, et nous-mêmes l’avons reconnu. Que leur demandait-on ? Tout simplement de régulariser leur situation : elles ne l’ont point voulu. On comprend l’indignation que M. le président du Conseil manifeste encore aujourd’hui contre elles. Mais les autres, celles qui se sont inclinées respectueusement devant la loi et qui ont demandé à être autorisées, comment les a-t-il traitées ? Il les a traitées de même, un peu plus tard, il est vrai, à une étape ultérieure, le jour où les injonctions des radicaux socialistes lui en ont fait une loi. Et alors que faut-il penser de la comédie qu’il a jouée devant la Chambre en étalant sa colère rétrospective contre les congrégations qui, prévoyant l’avenir mieux que nous-mêmes, avaient préféré ne pas demander cette autorisation, ce « privilège » que, suivant M. Buisson, « on doit » leur refuser ? M. Combes aurait certainement mieux fait de ne pas rappeler cette histoire, qui a paru gêner son auditoire. Il n’y a qu’un mot, en effet, pour en caractériser l’esprit, et c’est celui de mauvaise foi.

Cette mauvaise foi n’a pas été sans doute dans les intentions initiales de ceux qui ont fait la loi de 1901, ni même de ceux qui l’ont exécutée, ils ont fait, les uns et les autres, les seconds surtout, des concessions successives aux exigences de leurs amis les plus avancés.