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tonnes pour transporter un corps d’armée, qui équivaut environ à deux divisions japonaises. Avec 400 000 tonnes ou aurait donc pu amener en Corée huit divisions, soit plus de la moitié de l’armée du Mikado, sans qu’un même vapeur eût besoin de servir deux fois. Ce n’est donc pas la pénurie de navires qui peut gêner les transports des troupes elles-mêmes, ni des ravitaillemens de toute sorte[1].

En résumé, « l’organisation militaire du Japon est tout à fait comparable à celle des grandes puissances de l’Occident. Autant qu’on en peut juger d’après les apparences, l’armée du Mikado constituerait pour les Russes un adversaire dangereux ; animée d’un ardent patriotisme, solidement organisée, bien instruite, elle dispose d’effectifs supérieurs à ceux de n’importe quelle autre nation en Extrême-Orient[2]. » La flotte japonaise paraissant aujourd’hui, provisoirement du moins, maîtresse de la mer, les troupes de première ligne s’élevant à 230 000 hommes environ, doivent être aisément jetées en Corée, grâce à l’abondance des moyens de transports maritimes, aussi vite que l’auront permis la mobilisation, la concentration dans le Sud-Ouest et les facilités de débarquement ; des renforts importans pourront venir non seulement combler les vides, mais augmenter l’effectif à quelques mois d’intervalle. Maintenant, que valent les cadres supérieurs de cette armée ? Voilà le grand inconnu auquel les faits seuls donneront une réponse certaine.

Très soigneux, doués d’esprit d’organisation, habitués à ne pas négliger les détails les plus minutieux, les Japonais ont été pour les Occidentaux, au point de vue militaire comme à d’autres, d’excellens élèves. Leur armée applique les théories qui lui ont été apprises avec une perfection presque mécanique, que n’atteignent souvent pas les armées européennes elles-mêmes. Chaque unité, chaque homme une fois prévenu de son rôle, le remplit à merveille. C’est ainsi qu’ils sont passés maîtres dans

  1. C’est ce que dit très nettement l’auteur de l’étude sur l’armée japonaise publiée par la Revue militaire des Armées étrangères. « Sans entrer dans le détail un peu spécial des transports des troupes mikadonales par mer, on peut dire que les délais de temps nécessités par ces opérations ne seront pas commandés par le tonnage disponible, mais par d’autres considérations (précautions à prendre contre la flotte ennemie, durée de la mobilisation des diverses unités, temps nécessaire à la concentration, outillage des ports à l’embarquement et au débarquement, etc.). Il est même à penser qu’on n’utiliserait pas tous les élémens de transport dont il serait possible de disposer. »
  2. Revue militaire des Armées étrangères, article cité.